Quand les forces de l'ordre ont défoncé sa porte d'entrée, le jour des attentats de Trèbes et Carcassonne en 2018, Marine Pequignot a hurlé "Allah Akbar", trois fois. De "la provocation", jure mardi à la barre celle qui était alors la petite amie de l'assaillant. Elle avait rencontré Radouane Lakdim dans sa cité de Carcassonne (Aude), où elle était venue acheter du cannabis. "Il est arrivé, il a crié shit ou beuh?", raconte à la barre la jeune femme aux longs cheveux bruns de sa voix douce et traînante. Le revendeur lui plaît aussitôt, dégageant quelque chose de "viril", "rassurant" pour l'adolescente qu'elle était – Marine Pequignot n'avait alors pas 15 ans, Radouane Lakdim huit de plus.
Armes, Etat islamique et envie de Syrie
Pendant leurs deux premières années de relation, ils se voient tous jours ou presque. Puis "Lakdim" s'éloigne, parle "tout le temps tout le temps" de religion de façon "plus dure", des "frères en Syrie". Un soir chez lui, il soulève son matelas. "J'ai vu deux fusils, cinq-six machettes et un revolver".
Marine Pequignot elle, s'est convertie à l'islam dans sa chambre. Via Radouane Lakdim et par les réseaux sociaux, pour la communauté et "le cadre" qui lui manquent à la maison. Elle est pourtant très proche de sa grande soeur. Toutes deux passent leurs soirées à regarder des films. Son aînée ne se doute pas qu'en même temps sur son téléphone, Marine drague des combattants du groupe de l'Etat islamique en ligne, demande si elle pourra "combattre" ou "apprendre à monter et démonter des armes" si elle rejoint la Syrie. "Je faisais ma maligne", dit-elle l'air piteux à la barre, tout en reconnaissant qu'elle pensait alors que les attentats en France étaient "justifiés".
À l'écran, le président de la cour d'assises spéciale de Paris fait défiler la propagande jihadiste retrouvée sur le téléphone de la jeune femme. Chez elle, personne ne semble prendre la mesure de sa radicalisation, malgré la convocation à la police de sa mère pour interdire à Marine Pequignot de quitter le territoire début 2017, malgré sa fiche S.
La soeur, même silhouette, même voix, même longs cheveux, sanglote presque à la barre. "On se considère comme des jumelles mais on se dit pas tout non plus. Y a rien qui laissait transparaître… elle ne portait jamais le voile, elle était toujours en maillot deux-pièces à la plage", dit-elle. "Aussitôt qu'elle avait fait la prière elle sortait maquillée avec ses copines, comment j'aurais pu voir?", insiste l'aînée.
Le procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne pratiquement à mi-chemin
"Il avait fait ce qu'il avait à faire"
Le 23 mars 2018, quand Radouane Lakdim tue quatre personnes entre Trèbes et Carcassonne, Marine Pequignot, 18 ans depuis peu, n'a plus de nouvelles de son petit ami depuis deux mois mais passe son temps à l'espionner sur les réseaux sociaux. Quand on apprend que l'assaillant s'appelle Radouane, qu'elle voit qu'il ne s'est pas connecté depuis le matin, elle s'inquiète un peu. "Mais je pense pas que ce soit lui quand même", dit-elle dans un message à une amie, avant de poursuivre sa journée au McDonald's et à Decathlon. "J'ai pas fait le lien", répète encore celle qui est jugée pour "association de malfaiteurs terroriste" et encourt trente ans de réclusion criminelle.
Se souvient-elle de ce qu'elle a dit pendant sa garde à vue?, demande l'avocate générale, Aurélie Valente. "Oui. Que je m'en foutais, qu'il avait fait ce qu'il avait à faire", répond l'accusée qui "regrette énormément". "À ce moment là, je ne pensais qu'à Radouane", tué pendant l'assaut par les gendarmes.
Marine Pequignot savait "qu'il avait des armes", qu'il était "fanatisé". Il lui avait dit qu'il pourrait "égorger" des policiers, avait évoqué des "cibles" dans Carcassonne. Il postait des vidéos avec des machettes et un message "voilà ce qui attend les mécréants", énumère l'avocate générale, "ça ne vous alerte pas?" "Il était sous alcool", "j'étais amoureuse", "je ne le prenais pas au sérieux", se défend-t-elle, "je faisais pas le lien". "Vous le dissimulez en fait", lui rétorque la magistrate.
Marine Pequignot a passé deux ans en détention provisoire. Aujourd'hui, les services spécialisés de la pénitentiaire estiment qu'elle n'est plus radicalisée.
(Avec l'AFP)
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