INFO L’ESSOR – Les stocks de grenades dédiées au maintien de l’ordre commençaient à s’amenuiser. Au début du mois d’août, le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi) a lancé un appel d’offres en vue de l’acquisition de grenades et de leurs lanceurs pour les besoins de la Gendarmerie et Police Nationales. Ce marché, estimé à 22 millions d’euros et repéré par Marianne, tombe à pic avant les manifestations prévues à la rentrée. L’hebdomadaire se demande avec malice si « le gouvernement nommé par Emmanuel Macron se prépare à un quinquennat socialement agité ». « Il y avait des besoins de stocks importants, car nous avons eu des rendez-vous assez durs ces deux ou trois dernières années dans le maintien de l’ordre », observe plus prosaïquement un général de gendarmerie à la retraite spécialiste du sujet.
Cet appel d’offres, divisé en cinq lots, est pourtant moins anodin qu’il n’y paraît. Car il ouvre la porte, pour les gendarmes mobiles, à l’équipement d’une nouvelle génération de grenades, appelées à remplacer petit à petit les grenades lacrymogènes instantanées, les GLI F4. Une, souligne-t-on sobrement à la Gendarmerie nationale. Concrètement, ces grenades lacrymogènes et assourdissantes ne contiendront plus d’explosif (ici de la tolite), mais « un dispositif pyrotechnique » permettant le déclenchement de la munition. Le cahier des charges du lot n°5 de l’appel d’offres, relatif à l’achat de grenades assourdissantes lacrymogènes de calibre 56 mm, précise ainsi que.
Une évolution anticipée
On ignore encore la nature de ce « dispositif pyrotechnique ». Visiblement, ce changement était envisagé depuis quelque temps. Dans un avis daté du 24 novembre 2016 sur le projet de loi de finances pour 2017, la commission de la défense du Sénat remarquait ainsi que des études « sont en cours sur l’évolution des grenades en dotation au sein des escadrons de gendarmerie mobile, en coordination avec la police nationale. L’objectif de ces études est le remplacement des grenades GLI F4 par des grenades assourdissantes lacrymogènes sans explosif ».
Si la Gendarmerie s’intéresse à une nouvelle génération de grenades pour le maintien de l’ordre, c’est parce que les GLI F4 sont sur la sellette. Après la mort de Rémi Fraisse, en octobre 2014 à Sivens (Tarn) causée par une grenade OF F1, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, décide de suspendre l’emploi de cette arme en dotation dans les escadrons de gendarmerie mobile. Elle est ensuite définitivement interdite par un décret du 10 mai 2017.
Dans le même temps, il durcit les modalités d’engagement de la grenade lacrymogène instantanée (les GLI). Leur emploi n’est désormais possible qu’en binôme composé d’un lanceur et d’un superviseur chargé d’évaluer la situation et guider l’opération. « Moins puissantes que les grenades offensives, mais nécessaires au maintien à distance, elles sont indispensables à la gradation de la réponse pour protéger tout à la fois les forces de l’ordre et les manifestants violents contre les conséquences dommageables d’un contact », expliquait alors Bernard Cazeneuve.
L’usage des GLI F4 contestées
Même après ce durcissement de la doctrine d’emploi, les GLI restent en sursis. Des associations contestent son usage, estimant que le TNT contenu dans ces grenades est susceptible de tuer. Le 12 septembre, un appel a ainsi été lancé dans Libération pour interdire aux forces de l’ordre l’utilisation de munitions explosives. Ces grenades ne font pas également l’unanimité dans le maintien de l’ordre : les compagnies d’intervention de la Préfecture de police de Paris n’en n’utilisent habituellement pas, par exemple. Les gendarmes mobiles, qui sont appelés à des missions en zone rurale, eux, en sont friands, et ce d’autant plus après l’interdiction d’emploi des grenades offensives. Les forces mobiles craignent qu’on leur enlève une capacité indispensable, permettant de maintenir à distance les éléments rencontrés lors des manifestations.
La grenade GLI F4 vient justement de se retrouver une nouvelle fois sur le banc des accusés. Un opposant au projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse), Robin P., estime avoir été grièvement blessé au pied par ce type de grenade. La Gendarmerie, qui déplore deux blessés, ne confirme pas l’origine de cette blessure : la grenade est « une hypothèse ». La manifestation émaillée de violences du 15 août a laissé des traces. Les opposants à Cigéo dénoncent avec notamment l’utilisation de 15 à 30 grenades assourdissantes lacrymogènes. De son côté, la préfecture de la Meuse dénombre 300 manifestants et remarque qu’une majorité de ces derniers étaient. « La GLI permet un effet sonore appréciable face à des gens qui ont des masques de plongée et qui sont armés de barres de fer et de caillasses », remarque-t-on à la Gendarmerie. Les futures grenades auront-elles la même efficacité ? L’absence d’explosif brisant les rendra-t-elles moins dangereuses ? Il faudra attendre la fin de l’année et leur arrivée dans les unités – le marché public doit être clôturé à la fin du mois de septembre – pour en juger.
Gabriel THIERRY.
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