« L’innovation doit être flexible pour permettre à la Gendarmerie de s’adapter aux nouvelles technologies de rupture » (interview du colonel Patrick Perrot)

Photo : Photo d'illustration (Crédit photo Soberanes / Unsplash).

25 novembre 2021 | Opérationnel

Temps de lecture : 3 minutes

« L’innovation doit être flexible pour permettre à la Gendarmerie de s’adapter aux nouvelles technologies de rupture » (interview du colonel Patrick Perrot)

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L'Essor: Quel bilan faites vous du premier plan stratégique de recherche et d’innovation (PSRI) de la Gendarmerie, présenté il y a quatre ans?

Colonel Patrick Perrot: Le bilan du premier plan stratégique est très positif, il a permis d'initier de nombreux projets tant dans le domaine de la recherche que de l'innovation. C'est ainsi près de 30 projets technologiques nationaux et 11 européens dans lesquels est impliquée la Gendarmerie. Cette première édition du PSRI a également permis de faire émerger de nouveaux engagements au delà de la technologie tant dans le domaine de la redevabilité que de celui de l'éthique liés aux technologies de rupture. Ces concepts trouvent des applications au sein de la deuxième édition présentée ce jour.

Quelles sont les nouvelles armes technologiques des gendarmes?

A titre d'illustration, la Gendarmerie a mis en œuvre un dispositif de consultation et d’amélioration du service, qui permet au citoyen comme à l'élu de mesurer la qualité de la réponse fournie par la Gendarmerie et de proposer des sources d'optimisation. Nous avons également réalisé de beaux projets très opérationnels tel le drone Hangi, dans le domaine de la criminalistique . Il vole à l'hélium pour prévenir toute contamination de scène de crime.

Pour résumer, ce plan structure nos projets par rapport à nos besoins et permet de concentrer les efforts en prévenant une dilution des solutions. Par ailleurs, ce plan est aussi l'occasion d'engager des partenariats tels que ceux réalisés avec le CNRS, l'Onera, le CEA ou encore le Cnam. Des accords cadres ont aussi été signés entre la Gendarmerie et la Conférence des grandes écoles, ou la Conférence des présidents d'université. Et je n'oublie pas la création de la première chaire liant l'intelligence artificielle à la sécurité entre la Gendarmerie et l'institut supérieur d'électronique de Paris.

Les efforts en matière de recherche et d'innovation trouvent en réalité des applications opérationnels très concrètes en police judiciaire ou en sécurité publique au regard des méthodes scientifiques déployés mais aussi de la qualité des personnels mobilisés.

Quelles sont les priorités du nouveau plan de recherche de la Gendarmerie?

Nous allons poursuivre nos efforts sur le numérique, l'intelligence artificielle, la cybersécurité ou encore l’ouverture de la donnée. Il s’agit d’accroître encore la notion de redevabilité vis à vis du citoyen comme de l'élu, de mieux faire connaître nos outils, nos actions comme nos résultats. Nous avons des sujets très concrets dans le domaine de la protection du gendarme comme de la population, comme par exemple l’allégement de l’équipement des militaires ou l'exploitation de l'intelligence artificielle dans une meilleure anticipation des faits de délinquance ou des interventions des gendarmes. Mais aussi une capacité à rapidement analyser des vidéos de masse, à authentifier des deepfakes ou encore à mieux classer des images à caractère pédopornographiques par exemple.

Si nous ne sommes pas encore à l’exosquelette pour tous par exemple, il y a des études au GIGN. Cela pourra peut-être, à l’avenir, être une piste intéressante dans le champ de l'intervention. Nous explorons, nous évaluons, nous décidons à partir des travaux de recherche et d'innovation et dans l'intérêt de l'action opérationnelle.

Les gendarmes revendiquent une nouvelle première dans l’analyse ADN

Globalement, le nouveau plan de recherche et d'innovation est dans la continuité du précédent avec plus encore peut-être l'idée de placer l'humain au cœur des enjeux. Le conseil scientifique est très important car il apporte une vision extérieure et critique à l'institution. Il challenge la Gendarmerie sur son innovation.

Face à l'évolution de la menace sécuritaire, il nous faut enfin être en veille permanente sur les technologies émergentes. On parle beaucoup en ce moment des metavers, ces nouveaux univers virtuels. Pour nous, ces espaces doivent être appréhendés pour évaluer l'opportunité criminelle qu'ils offrent mais aussi l'intérêt qu'ils présentent dans le cadre de l'analyse de scènes de crime par exemple ou encore de la formation. L'innovation comme la recherche doit être flexible et permettre aussi à la Gendarmerie de s'adapter aux nouvelles technologies de rupture parfois imprévisibles.

Les affaires judiciaires drainent un lot toujours plus important de données, est-ce un risque pour les gendarmes d’être noyés sous l’information?

La quantité peut être une difficulté pour effectivement distinguer l'information pertinente du bruit ambiant. Mais la difficulté est aussi de savoir à côté de quelle information on passe par méconnaissance de son existence. En judiciaire, le cadre est parfaitement défini, les données à exploiter doivent être liées à l'enquête en cours et nous savons dans ce cas traiter de grandes masses de données.

Mais hors de ce cadre, je pense notamment aux sources ouvertes, c’est plus compliqué, il nous faut nous assurer de la fiabilité comme de la juste représentativité des données. C'est tout l'enjeu de la stratégie de donnée sur laquelle nous travaillons. Notre question à nous gendarmes, consiste à rechercher la meilleure efficacité dans la protection collective et individuelle de la population et l'innovation comme la recherche doivent concourir à cet objectif.

Propos recueillis par GT.

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