En Guyane française, les forces de sécurité et l’armée ont fort à faire pour lutter contre l’orpaillage illégal. Leur tâche est rendue plus ardue par le soutien logistique offert aux chercheurs d’or par les comptoirs chinois établis sur la rive surinamaise du fleuve Maroni.
C’est la conclusion à laquelle sont arrivés Simon Menet et Antoine Bondaz, deux chercheurs de la Fondation pour la recherche stratégique, à l’issue de travaux synthétisés dans une note intitulée "Comptoirs et réseaux transnationaux chinois, moteurs de l’orpaillage illégal en Guyane française", et publiée jeudi 7 septembre.
Le rôle de ces comptoirs chinois a beau être indirect, il n’en est pas moins "essentiel car ils rendent possible et facilitent l’orpaillage illégal sur le territoire français", écrivent les chercheurs qui rappellent que "les opérations de répression coûtent chaque année 70 millions d’euros, tandis que le pillage du sol guyanais représente un préjudice économique majeur pour l’économie locale et les finances publiques, estimé à plus de 500 millions d’euros par an", pour près de dix tonnes d’or extraites illégalement.
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C’est à l’ouest de la Guyane, bordée par le fleuve Maroni, que se trouvent "l’immense majorité des sites d’orpaillage illégal", soit près de 80% des chantiers alluvionnaires, pour la plupart à quelques dizaines de kilomètres du fleuve. Ce dernier est donc devenu une artère cruciale de la logistique de l’orpaillage illégal depuis le Suriname.
"Près de 120 commerçants chinois assurent désormais l’approvisionnement en matériel d’orpaillage et produits du quotidien aux orpailleurs illégaux brésiliens", alimentant "en continu" les "300 sites illégaux actifs en Guyane", écrivent les chercheurs. Cette activité "contrarie l’action des forces de sécurité dans le cadre de la mission Harpie, lancée en 2008", ajoutent-ils.
En acceptant d’être payés "dans toutes les devises, y compris l’or", les commerçants chinois "participent eux aussi – au moins indirectement – au financement de l’orpaillage illégal, au blanchiment de l’or extrait en forêt et à la prédation des ressources minières en Guyane et au Suriname voisin".
Ce fonctionnement "flexible" est profondément ancré au sein de l’économie informelle locale. Une partie des transactions se réalisent "en pépites d’or, qui sont purifiées et pesées dans les comptoirs grâce à des outils dédiés (balance, coupelles et chalumeaux, etc.)". Les commerçants chinois ont également un système de "fourniture d’équipements (essence, mercure, motopompes, quad, etc.)" qui s’appuie "sur un préfinancement en retour d’une vente exclusive", à des prix "qui ne sont pas nécessairement liés aux cours du marché".
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En 2022, rappellent Simon Menet et Antoine Bondaz, les saisies ont été record dans la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane: "1.585 motopompes, 603 corps de pompe, 100 concasseurs, 132 moteurs de hors-bord ou encore 187 quads". Parmi ces équipements, ajoutent-ils "une écrasante majorité sont d’origine chinoise : mobylettes "Filong", moteurs "Changchai" ou "Sifang", tuyaux "Shengda", etc".
La Guyane française compte environ 6.500 garimpeiros travaillant illégalement sur "environ 500 sites alluvionnaires et primaires répartis sur le territoire, principalement à l’ouest du croissant aurifère", selon les chiffres fournis par la Gendarmerie aux chercheurs.