C’est probablement l’une des hantises des forces d’intervention, qu’elles dépendent de la Police ou de la Gendarmerie: l’erreur de porte. Il est 6h00 tapantes, mardi 11 avril 2023, dans la petite commune de Guignen, en Ille-et-Vilaine. Une équipe d’intervention d’élite des forces de l’ordre fait sauter la porte d’une maison, dans une zone pavillonnaire de la campagne rennaise. Une vingtaine d'hommes vêtus de noir, cagoulés et armés font alors irruption dans l'habitation avant de braquer puis plaquer ses occupants contre un mur, leur intimant l'ordre de garder les mains sur la tête.
Problème, après avoir fait le tour et fouillé rapidement la maison, les visiteurs ne trouvent pas ce qu'ils cherchent et s'interrogent… Ils demandent alors aux deux personnes en pyjama, brutalement extirpées de leur sommeil, leur adresse exacte. Bingo, c'est là qu'est l'os. Ils ne sont pas à la bonne adresse.
Le GIGN, victime de sa renommée ?
Probable victime de sa renommée, c’est dans un premier temps le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) qui a été pointé du doigt par les propriétaires des lieux, racontant leur mésaventure dans les colonnes de l’édition locale du quotidien régional Ouest-France. Nos confrères évoquent alors l’erreur d'une équipe d'intervention d’une antenne GIGN. Sauf que les gendarmes d’élite n’ont enregistré aucune opération sur la commune ce jour-là. D’ailleurs, ni la compagnie de gendarmerie départementale, ni le groupement de gendarmerie d’Ille-et-Vilaine, ne sont au courant… Et pour cause. L’opération a été menée par l’antenne rennaise du Raid, l’unité d’intervention de la Police nationale, avec une brigade de recherche et d’intervention de la police judiciaire ainsi que l’Office anti-stupéfiants (Ofast), sans qu’en soient informés les gendarmes, bien que l’action se déroule dans leur zone de compétence.
Finalement, tout est rapidement rentré dans l’ordre. Les hommes en noir se sont vite retirés après s'être excusés, laissant le champ libre à deux autres policiers restés sur place pour s'assurer que les retraités allaient bien après le choc de l'intervention. On ne sait pas si leur "objectif" a pu être interpellé ou non, ni s'il s'agissait d'un voisin…
Réputation, polyvalence… Le G.IG.N. aujourd’hui : une unité « engagée pour la vie ».
Le couple indemnisé
Côté presse, dès le lendemain, un article correctif a été publié dans le journal Ouest-France, soulignant qu’il s’agissait bien d’une bourde des policiers et non des gendarmes. “Il s’agit effectivement d’une méprise à un endroit où il n’y a aucun numéro sur les habitations et pas de boîtes aux lettres individuelles, plaide Philippe Astruc, le procureur de la république de Rennes. L’intervention concernait une enquête pour infraction à la législation sur les stupéfiants, conduite par l’Ofast avec l’appui des policiers du Raid.”
Le couple de sexagénaires sera quant à lui indemnisé. Pas pour la grande frayeur de voir débarquer un groupe d’hommes en noir dans leur chambre au petit matin, mais au moins pour la porte, rendue inutilisable et qu’ils ont du faire remplacer, et son chambranle mural, très endommagé par les explosions d'effraction. Il existe en effet une procédure spécifique pour ce genre d’erreur, avec une prise en charge par les services de la Justice.
Fort heureusement, le couple de retraités va bien. Remis de leurs émotions, ils préfèrent rire de cette situation rocambolesque. Ils ont d’ailleurs décliné l’aide psychologique proposée par la Police comme ils l’ont confié à nos confrères de France Bleu Armorique: “On a tellement ri toute la journée qu’on a besoin d’aucun soutien psychologique!” “On avait les larmes aux yeux tellement on riait.” Des amis et proches du couple les ont appelés à la suite de la publication de l’article pour prendre de leurs nouvelles, comprendre ce qui a bien pu se passer, mais aussi en profiter pour les charrier gentiment. “On plaisante en me disant que je suis un baron de la drogue, que Guignen est une plaque tournante, mais je ne suis pas du tout Pablo Escobar", ironise le retraité au micro de France Bleu.
Pour relativiser, il confiait d’ailleurs à nos confères être soulagé que l’intervention se soit déroulée un mardi, en pleine semaine, car, avec son épouse, ils devaient recevoir sept de leurs petits enfants au cours du week-end. “Heureusement qu’ils n’étaient pas là!” concèdent-ils à la journaliste d’Ouest-France. Une chose est sûre : ils garderont néanmoins cet épisode en mémoire. Une bonne histoire à raconter!
L’importance du renseignement préalable
Bien que relativement rare, ce genre de mésaventures arrive pourtant de temps en temps. Gendarmes comme policiers, personne n'est à l'abri d'une erreur. Raison pour laquelle ils sont encouragés à aller faire un repérage sur place avant toute opération d'intervention ou d’interpellation domiciliaire. Ce préalable permet –dans la mesure du possible et en veillant à ne pas alerter les soupçons de la cible– de récolter un maximum d’informations (emplacement précis, type de porte, agencement des lieux, moyens d’accès et de fuite possibles, voisinage, etc…), qui permettront, lors de l’opération, d’éviter ce genre de bourde. Peut-être pourront-ils également utiliser des outils connectés, comme l'a justement suggéré le retraité qui se demande comment les policiers ont pu se tromper d'adresse : "Aujourd'hui sur Google Maps, vous avez le numéro, la maison, tout!"