"La prochaine crise mondiale sera très certainement cyber. La surface d’attaque ne cesse d’augmenter, et pourtant, trop souvent, nous regardons ailleurs." Si Christian Rodriguez, le patron des gendarmes, se permet cet avertissement en ouverture du Forum international sur la cybersécurité (FIC), début septembre à Lille, c’est parce que la Gendarmerie met actuellement les bouchées doubles pour répondre à la menace de la cybercriminalité.
Un phénomène qui a représenté, en 2020, plus de 100.000 procédures judiciaires en France, pour un préjudice estimé à 10 milliards d’euros. La réponse de la Gendarmerie, c’est son nouveau commandement dans le cyberespace, qui a fait ses premiers pas cet été. Soit la 32e formation administrative de l’Arme.
Un commandement au positionnement transverse
"C’est un commandement rattaché au Directeur général, au positionnement transverse pour animer l’ensemble des structures nationales et territoriales, au périmètre d’intervention large", précise le général de division Marc Boget, le patron de la nouvelle structure.
Son état-major sera basé au Campus Cyber, cet immeuble de La Défense qui va rassembler des acteurs privés et publics de la cybersécurité. La structure comptera également, à terme, le futur service à compétence nationale Cyber, à la création actée cet été par Gérard Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui doit rassembler les forces de la Gendarmerie et de la Police sur le sujet – une reconnaissance du savoir-faire de l’Arme.
Concrètement, le nouveau commandement de la Gendarmerie dans le cyberespace rassemble quatre divisions, bâties par l’absorption des unités de gendarmes impliquées dans le numérique.
La Division des opérations, le cœur du réacteur, est ainsi dirigée par la colonelle Fabienne Lopez. La cheffe du Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) hérite logiquement de ce commandement. Son unité et ses onze antennes sont chargées des enquêtes situées en haut du spectre, avec un personnel formé à l’enquête sous pseudonyme sur Internet et aux logiciels espions.
La division d’appui aux opérations numériques
La division d’appui aux opérations numériques est dirigée par le colonel Nicolas Duvinage. Son service est dédié au développement des outils d’investigation numérique, par exemple pour tracer les crypto-actifs ou préserver l’anonymat des enquêteurs.
Cette structure travaillera étroitement avec le nouveau Centre national d’expertise numérique, dirigé par le lieutenant-colonel Cyril Debard. Il rassemble des personnels du C3N chargés de l’appui technique et le prestigieux département Informatique-électronique (INL). Le nouveau centre d’expertise numérique compte deux laboratoires.
Le premier, centré sur la preuve numérique avancée, rassemble vingt personnes. Le second est focalisé sur la rétro-conception. Ses sept officiers commissionnés sont chargés de trouver des vulnérabilités informatiques, en clair, de hacker des logiciels ou des appareils.
La division de proximité juridique
La division de la proximité numérique est commandée par le colonel Barnabé Watin-Augouard, de l’Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN). Cette division est chargée du lien avec la population. Elle rassemble magendarmerie.fr, la nouvelle appellation de la brigade numérique, basée à Rennes, sollicitée en moyenne 730 fois par jour. Elle compte également la plateforme de signalement en ligne des fraudes bancaires Perceval, qui a reçu environ 320.000 signalements en 2020, pour un préjudice de plus de 136 millions d’euros.
Les gendarmes face aux cybermenaces
La division stratégie, prospective et partenariats
La stratégie, la prospective et les partenariats sont regroupés dans la quatrième division. Elle est dirigée par le colonel Pierre-Yves Caniotti, à la tête, jusqu’à l’année dernière, de la section de recherches de Pointe-à-Pitre. Elle sera chargée d’animer les relations avec les autres acteurs publics et de structurer le réseau des cyber gendarmes.
Si l’on compte en effet 7.000 cybermilitaires dans l’Arme, ils devraient être, à court terme, 10.000. Un nombre important, qui a poussé à la création, en matière de ressources humaines, d’une nouvelle filière dédiée au cyber, qui s’ajoute aux deux filières existantes relatives aux systèmes d’information et à l’IRCGN. Ce qui doit permettre de suivre des profils et de construire des carrières autour de cette spécialité.