A l’automne 2018, dix-huit mois après son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron fait face à un mouvement sans précédent, celui des Gilets jaunes. Une mobilisation qui démarre par l’occupation pacifique de ronds-points, partout en France, pour protester contre sa politique fiscale et sociale. Sans dirigeants ni mots d’ordre, le mouvement entame alors une série de manifestations qui se dérouleront rituellement chaque samedi dans les villes, et surtout à Paris. Certaines, infiltrées par les blacks blocs et l’extrême droite, atteindront rapidement un niveau de violence rarement vu dans le passé.
L’acmé de ces violences sera symbolisé par l’acte III des manifestations, le 1er décembre 2018. Ce jour-là, à Paris, des milliers d’émeutiers vont s’affronter pendant des heures avec les CRS et les gendarmes mobiles. L’intérieur de l’Arc de Triomphe est pillé et saccagé. Un fusil d’assaut est volé dans une voiture de police. Au Puy-en-Velay, la préfecture est en partie incendiée. Près de Narbonne, un péage autoroutier et les locaux du peloton autoroutier de gendarmerie sont détruits. A plusieurs reprises, des policiers et des gendarmes reculent sous les jets de pavés et de cocktails Molotov.
En riposte, les forces de l’ordre font usage de gaz lacrymogènes et de Lanceurs de balles de défense (LBD). Un manifestant est éborgné par un tir. Dans la soirée, dans un Burger King, près de l’Arc de Triomphe, plusieurs manifestants sont frappés par des CRS à coups de pied et de tonfas (bâtons de défense). Près de trois ans plus tard, huit d’entre eux, dont un capitaine, seront mis en examen pour « violences volontaires ». A Marseille, Zineb Redouane, 80 ans, frappée par une grenade lacrymogène tirée par un CRS alors qu’elle fermait ses volets, meurt quelques heures plus tard.
Lors des manifestations suivantes, les blessures graves –dont une vingtaine d’éborgnements– dues principalement à l’utilisation du LBD vont se multiplier.
L’usage de la force par la Police et la Gendarmerie
Certains policiers ne sont pas formés au maintien de l'ordre
Ces violences policières illégitimes, sont commises en majorité par des policiers qui ne sont pas formés au maintien de l’ordre, contrairement aux CRS et aux gendarmes mobiles. Le 23 mars 2019, à Nice, une manifestante de 73 ans, Geneviève Legay, est gravement blessée après avoir été projetée au sol par un policier. Peu de temps auparavant, un capitaine de gendarmes mobiles avait refusé que ses hommes repoussent les manifestants, contrairement à l’ordre donné par un commissaire de Police. Début mars 2020, le Premier ministre Edouard Philippe, dans une réponse à une question écrite d’un député de La France insoumise, précisait que, depuis le 17 novembre 2018, début du mouvement des Gilets jaunes, 671 signalements avaient été adressés à l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) et à l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN).
Au 21 janvier 2020, 360 enquêtes judiciaires avaient été confiées, pour 337 d’entre elles (93,6%) à l’IGPN, et pour les 23 autres (6,4%) à l’IGGN. Selon le Premier ministre, 230 de ces enquêtes judiciaires avaient été clôturées et renvoyées à l’autorité judiciaire. L’IGPN s’était vue par ailleurs chargée de 53 enquêtes administratives (12 clôturées). L’IGGN n’avait reçu aucune saisine.
En 2020, après le reflux des manifestations de Gilets jaunes, la Police est de nouveau sur la sellette. Le 3 janvier, Cédric Chouviat, un livreur à scooter de 42 ans, père de cinq enfants, est interpellé de manière musclée à Paris. Tenu au cou et plaqué au sol, il meurt deux jours plus tard à l’hôpital. Trois policiers sont mis en examen pour homicide involontaire.
Le 21 novembre 2020, à Paris, Michel Zecler, un producteur de musique de 41 ans, est roué de coups par des policiers. Les images de ce passage à tabac, largement diffusées, conduisent à la suspension de quatre policiers, puis à leur mise en examen.
Un sondage Ifop pour L’Essor, publié en décembre 2020, révélait que 85% des Français avaient une bonne opinion des gendarmes, contre 70% pour les policiers. Depuis les Gilets jaunes, l’image des policiers semble donc bien avoir été écornée, alors que celle des gendarmes paraît préservée.
Article extrait du dossier du numéro de février 2022.