<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Dix années perdues, une vie retrouvée – entretien avec le capitaine (E.R.) Gérard Gautier

Photo : Gérard Gautier a mené un combat judiciaire de plus de dix ans (Photo : L.Picard/L'Essor).

12 février 2022 | Vie des personnels

Temps de lecture : 2 minutes

Dix années perdues, une vie retrouvée – entretien avec le capitaine (E.R.) Gérard Gautier

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L’Essor. – Quel regard portez-vous sur ces dix années de procédure ?

Gérard Gautier. – C’est un véritable scandale judiciaire  ! J’ai tout subi pendant ces dix années : des interrogatoires multiples, des gardes à vue, la geôle, l’hôpital psychiatrique, la prison, le transfèrement entre deux gendarmes, des humiliations, des violations du secret de l’instruction, un acharnement médiatique… Mais surtout, on a laissé un juge d’instruction instrumentaliser la justice et plusieurs affaires à des fins de notoriété personnelle. Malgré les signaux qui se sont allumés et les inspections des services de la Justice, il a continué à opérer, jusqu’à ce qu’il soit récemment soupçonné de viol… Je trouve ça incroyable. Plein de gens avaient compris, mais ils ont laissé faire. Avec mes neuf personnels, on est tous sortis vivants de cet imbroglio judiciaire. Ma terreur, c’était d’apprendre un matin que l’un d’entre nous s’était mis un balle dans la tête, ne supportant plus cette pression permanente et cette infamie. Heureusement, la Gendarmerie a été présente et nous a accompagnés tout au long de la procédure. C’était vital. Si on avait été abandonnés par l’Institution, je ne sais pas ce qui se serait passé, ni si je serais là pour vous parler aujourd’hui.

Quelle a été votre réaction à l’annonce de la relaxe par le tribunal de Mamoudzou, en septembre 2021 ?

Je n’aurais pas du tout écrit ce scénario la veille. J’étais persuadé que nous allions être condamnés et qu’il faudrait aller en appel. Je n’avais plus confiance en la justice. Je pensais qu’il fallait satisfaire l’opinion publique mahoraise, persuadée que ce procès était la suite de l’affaire Roukia (NDLR : enquête sur la mort d’une jeune femme mahoraise des suites d’une overdose, et pour laquelle le GIR de Mayotte avait été mis en cause). Lors de l’audience, mon avocat, Me  Szpiner, a conclu sa plaidoirie en disant : "Ces militaires n’ont pas perdu leur honneur. Ils ne vous l’ont jamais donné. Par contre vous, la Justice, vous l’avez perdu. Et vous avez là l’occasion de retrouver votre honneur." Quand le président du tribunal a ensuite prononcé la relaxe, mon camarade et moi, on n’a pas bougé. On n’a pas sauté de joie, tant on était habitués à vivre, depuis dix ans, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. A ce moment-là, on commence juste à prendre la mesure que tout ça est fini.

Affaires du GIR de Mayotte : Réaction du capitaine Gautier relaxé après 10 ans de scandale judiciaire

Quels sont vos projets maintenant que ce combat est derrière vous  ?

J’ai effectivement du temps à rattraper ! Notamment mes dix premières années de retraite. Dix ans de vie entre parenthèses. Dix ans de galère et de misère… Il reste le combat auprès de la Cour européenne, que l’on va commencer pour demander réparation. Mais c’est un combat beaucoup moins stressant. Je travaille également, avec un journaliste, sur un livre à propos de ce scandale. Il devrait sortir au printemps 2022. 

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