L’Essor. – Comment définiriez-vous le dualisme ?
Richard Lizurey. – Le dualisme n’est ni une invention, ni un concept, mais le résultat d’une évolution liée aux besoins de la population, des besoins différenciés selon le territoire auquel on s’adresse. Depuis le maillage territorial historique de la Maréchaussée, la Gendarmerie est répartie sur l’ensemble du territoire. L’histoire a fait que chaque force s’est adaptée à son environnement : la Police dans une logique de concentration des moyens avec des commissariats, et une Gendarmerie restée encore aujourd’hui sur le modèle de maillage territorial, ce qui correspond aux besoins du citoyen en demande d’une police de proximité.
Comment avez-vous vécu le rattachement de la Gendarmerie au ministère de l’Intérieur ?
J’ai été affecté au cabinet du ministre de l’Intérieur en juin 2009, au moment du vote de la loi du 3 août 2009. J’ai donc participé, sous l’autorité du directeur de cabinet de l’Intérieur, à l’époque le préfet Michel Bart, à l’arrivée et à la mise en place de la Gendarmerie place Beauvau. Une arrivée qui a été un vrai choc dans ce ministère. Sous l’autorité de M. Bart, nous nous sommes mis au travail avec le conseiller police et avec les deux directeurs de l’époque : Frédéric Pechenard (Police) et le général Roland Gilles (Gendarmerie). Chaque lundi, nous avions deux heures pour balayer la totalité des sujets. Chacun expliquait à l’autre quel était son dispositif, car il fallait d’abord se connaître. Avec l’objectif que, chacun gardant son identité, les deux forces travaillent le mieux possible ensemble.
Quels sont les avantages du dualisme pour l’autorité judiciaire et pour l’autorité politique ?
Avec le dualisme, l’autorité judiciaire a la possibilité de choisir le service le mieux placé. Le politique ne peut pas avoir en face de lui une seule force de sécurité. Qui serait le ministre de l’Intérieur s’il n’existait qu’une seule force ?
Quel bilan tirez-vous du rattachement à l’Intérieur ?
Il est extrêmement positif. Le rattachement a permis à la Gendarmerie d’exister dans le domaine de la sécurité intérieure. Quand j’étais au cabinet de la Défense, à l’époque, la Gendarmerie comptait beaucoup moins à l’interministériel. On a gagné aujourd’hui en visibilité et en reconnaissance. En matière catégorielle, les choses progressent parallèlement. Je crois très sincèrement que l’on y a gagné au titre de la Gendarmerie, et aussi et surtout au niveau du service public.
Les mutualisations mettent-elles en danger ce dualisme ?
Elles peuvent le mettre en danger. La mutualisation, c’est un moyen et non une fin. Son but, c’est d’améliorer le service. Les mutualisations, notamment au moment des RGPP, ça a été juste fait pour gagner des effectifs. Toutes les mutualisations faites sans étude d’impact ont, en fait, conduit à des dépenses supplémentaires et à des… trucs qui marchent moins bien.
Gendarmerie et Police, les duettistes de la sécurité
Jusqu’où peut-on aller dans les mutualisations sans menacer l’existence de deux forces ?
Si on mutualise à tous les étages, des structures et des organisations, on vise à la suppression de l’une des deux forces. Et, donc, c’est la fin du dualisme. Il faut définir le besoin de travailler ensemble. Sur le terrain, les gens s’entendent bien. Il y a pourtant deux domaines de friction : la PJ et l’intervention. Cela crée aussi une émulation. Il faut que cette concurrence soit raisonnée. Ça, c’est le travail du ministre, de l’autorité ministérielle. Il faut accepter les différences tout en ayant à l’esprit les performances communes.