La Quadrature du net, une association de défense des libertés numériques, vient de déposer ce week-end trois plaintes visant le ministère de l’Intérieur devant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Signées par plus de 15.000 personnes, ces plaintes appellent à l’interdiction des caméras de surveillance, de l’utilisation de la reconnaissance faciale et de ce que l’association appelle “le fichage de masse”.
Plus précisément, la Quadrature du net demande la suppression du fichier de traitements des antécédents judiciaires, dit TAJ. L’association estime qu’il est disproportionné, avec plus de 20 millions de fiches, peu fiables, avec des erreurs de données.
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Ca y'est nous avons déposé la plainte contre le ministre de l'intérieur avec les 15 248 personnes nous ayant mandaté ! Maintenant la balle est dans le camp de la CNIL. Toutes les explications et le lien vers la plainte dans l'article. #Technopolice— La Quadrature du Net (@laquadrature) September 26, 2022
Vidéosurveillance
L’association estime par ailleurs que ce fichier permet à la Gendarmerie et à la Police de faire de la reconnaissance faciale “en dehors de tout cadre légal”. Depuis 2011, un logiciel permet en effet de faire des comparaisons d’images dans ce fichier, une manière de faire gagner du temps aux enquêteurs.
Soit un usage plutôt modeste, bien loin des usages les plus décriés de reconnaissance faciale, comme par exemple la surveillance en temps réel de la population, une perspective effrayante qui n’est pas à l’ordre du jour pour l’instant en France.
Ensuite, la Quadrature du net demande l’interdiction de la vidéosurveillance, qu’elle juge disproportionnée et sans justification. “Nous attaquons donc le ministre de l’Intérieur qui met en place toutes ces pratiques incitatives gouvernementales qui rendent possible cette disproportion”, écrit l’association.
Enfin, la dernière plainte de l’association vise le fichier des titres électroniques sécurisés (TES), qui permet le renouvellement et la vérification des titres d’identité. Pour l’association, il y un problème autour de la nécessité et de la proportionnalité de ce fichier.
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Missiles juridiques précis
A première vue, ces actions judiciaires semblent d’abord relever de la communication. Les technologies attaquées et les fichiers mentionnés sont déjà passés à la loupe de la Cnil. De même, il existe déjà un encadrement juridique autour de ces fichiers.
Toutefois, l’association a déjà prouvé par le passé la finesse de ses missiles juridiques. Comme quand elle avait réussi à stopper temporairement l’utilisation de drones par la Préfecture de police – puis par ricochet ceux des gendarmes.
Cette fois-ci, la Quadrature du net a indiqué s’être appuyée sur le règlement général sur la protection des données (RGPD) pour déposer plainte. Une base juridique qui lui avait permis d’attaquer avec succès Google et Amazon en 2018.
Autant de craintes liées à l’utilisation des technologies de surveillance déjà prises en compte par les gendarmes. A l’automne 2019, les militaires avaient ainsi invité des militants de La Quadrature du net à venir exposer leurs analyses à Issy-les-Moulineaux.
Pour les gendarmes et les policiers, la reconnaissance a tout du graal de l’enquêteur, ouvrant de nouvelles perspectives en matière d’identification et de recherche des personnes. Mais encore faut-il convaincre du bien fondé d’une telle utilisation.
A l’époque, une capitaine de Gendarmerie avait tenté en vain de convaincre les militants de La Quadrature du net. "Nous avons constamment dans nos travaux le souci des libertés publiques, rappelait ainsi cette militaire. Nous sommes convaincus que la biométrie pourra être utile pour les libertés publiques. Elle nous servira aussi à fiabiliser nos fichiers."
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