<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Gérald Darmanin enterre le projet de redécoupage des zones de compétence de la Police et de la Gendarmerie

Photo : Selon un exemple pris par le ministre de l'Intérieur pour illustrer ses ambitions, des gendarmes pourraient venir assurer temporairement les missions du commissariat de Lisieux (Calvados), tandis que les policiers iraient renforcer leurs collègues de Seine-Saint-Denis pendant les JO 2024. (Capture d'écran Google Street Map)

28 septembre 2022 | Vie des personnels

Temps de lecture : 4 minutes

Gérald Darmanin enterre le projet de redécoupage des zones de compétence de la Police et de la Gendarmerie

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On sentait le sujet déjà mis sur une voie de garage depuis l'annonce faite par Gérald Darmanin aux organisations syndicales de la Police, au moment des élections présidentielle et législatives – comme s'en était fait écho L'Essor, de la mise en pause du projet de réorganisation territoriale de la sécurité. C'est désormais une certitude.

Préconisée dans le dernier Livre blanc pour la sécurité intérieure, un temps soutenue par le ministère et demandée par certains élus locaux, la redéfinition des zones de compétence Police (ZPN) / Gendarmerie (ZGN) n'aura pas finalement pas lieu. Devant les auditeurs de la Commission des Lois du Sénat, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a indiqué qu'il n'avait pas retenu ces propositions de transformation.

Pour mémoire, le Livre blanc sur la sécurité intérieure avait été commandé alors que Christophe Castaner était le locataire de la Place Beauvau, puis publié en novembre 2020, peu après l’arrivée de Gérald Darmanin aux manettes. Long de plus de 300 pages, il formulait 200 propositions pour faire évoluer le ministère de l’Intérieur. Parmi elles, celle de revoir la répartition des ZGN et ZPN en faisant notamment évoluer le seuil de population, fixé à 20.000 habitants, qui permettait entre autres critères de les délimiter. La préconisation visait à attribuer aux gendarmes la compétence des zones jusqu’à 30.000 habitants, de faire du sur-mesure entre 30 et 40.000 habitants, et de confier toutes les zones dépassant les 40.000 habitants à la Police nationale. Dès lors, un redéploiement des forces de sécurité intérieure devait être imaginé.

Répondant mercredi 21 septembre 2022 aux questions des sénateurs à propos de ce redéploiement d’unités un temps envisagé, le ministre a justifié sa mise à l’écart du projet parce qu’il aurait notamment demandé “beaucoup de transformations” et des coûts importants. Et cela “à moins de deux ans des Jeux Olympiques”.

Zones de compétence : la réorganisation territoriale de la sécurité mise en pause par l’Intérieur

Des zones pas infranchissables

Pour Gérald Darmanin, “ces zones n’existent pas vraiment" et ne correspondent pas à des frontières infranchissables pour les forces de sécurité. “Il n’y a pas de disposition légale qui empêche les gendarmes d’aller en zone Police et les policiers d’aller en zone Gendarmerie.”

Pour illustrer son propos, le ministre a pris plusieurs exemples, évoquant les renforts réguliers de gendarmes en zone Police (notamment 80% des interventions des gendarmes mobiles), voire des substitutions temporaires aux policiers. Ce pourrait ainsi être le cas par exemple d’un commissariat de police de Normandie.

Pour les Jeux Olympiques et un peu également pour la Coupe du monde de Rugby, je vais demander (…) à des gendarmes d’aller en zone Police. (…) Par exemple dans le Calvados, aux gendarmes de s’occuper de façon temporaire du commissariat de Lisieux, pendant que les agents de la Police nationale viennent en Seine-Saint-Denis pour aider leurs camarades face à l’afflux de spectateurs et contre la délinquance.”

Je n’ai pas besoin de la Loi pour demander aux policiers et aux gendarmes d’aller dans des endroits qui sont ‘Police’ ou ‘Gendarmerie’.” D’autant que ce type de mesures n’est pas nouveau. Récemment, rappelle le ministre, les préfectures des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes "ont demandé à des pelotons de surveillance et d’intervention de la Gendarmerie (Psig) d’aller aider (les policiers) lors des matchs de football".

Une direction unique pour la sécurité dans les transports

S’appuyant sur l’exemple “absurde” des transports en commun dans la conurbation toulousaine, où “des policiers sont obligés de descendre” pour que “des gendarmes prennent le relais” car les lignes traverses différentes zones de compétence, le ministre a également renouvelé son annonce faite la veille, devant les députés, de la création d’une “direction unique de lutte contre l’insécurité dans les transports”.

Mais le constat qui ne se limite pas aux réseaux de transports en commun puisque le ministre a aussi évoqué l'exemple des autoroutes, dont certaines bretelles d'accès sont sous la responsabilité des policiers tandis que l'autoroute, quelques mètres plus loin, dépend des gendarmes. “Plutôt que de penser en territoires 'Police' ou 'Gendarmerie', il faut penser en zones de délinquance. Je vais changer les choses. On va donner des axes plutôt que des territoires.”

Une annonce qui fait réagir

L’annonce du ministre de l’Intérieur n’aura pas tardé à faire réagir. Y compris du côté des gendarmes. Sur son site internet, l’association professionnelle militaire (APNM) Gendarmes & citoyens a publié un communiqué soulignant son "émotion non feinte". En cause principalement, le fait que les gendarmes soient amenés à intervenir plus régulièrement en zone Police. "L'impression générée par ce discours laisse planer l’idée selon laquelle la Gendarmerie nationale servirait de supplétif à la Police nationale, ou de variable d’ajustement des effectifs engagés. Si tel est son projet, il n’est pas audible", indique-t-elle.

L'association précise malgré tout que "les gendarmes seront, toujours et sans réserve, un soutien infaillible aux camarades policiers", comme ils l'ont d'ailleurs "largement démontré lors du mouvement des gilets jaunes". "Être le secours en moyens humains et matériels est ainsi dans l'ADN du gendarme de terrain". Et pour cause, sans entrer dans une guerre de territoires pour autant, les occasions où les forces se prêtent mains fortes, de manière fortuite ou demandée, sont nombreuses, et souvent dans la plus grande simplicité, loin des caméras, des bureaux des chefs et des discours de salons.

AG&C restera ainsi "vigilant(e) sur les ambitions du ministre" , et invite le Conseil de la fonction militaire Gendarmerie (CFMG) à en faire de même.

Un danger pour le dualisme des forces ?

De fait, pourquoi confier la responsabilité d'un commissariat à des gendarmes pendant que les effectifs locaux de policiers partent dans un autre lieu pour renforcer leurs collègues fonctionnaires? Cela alors même que les gendarmes, notamment mobiles, sont effectivement en mesure de faire des renforts tant de sécurité publique que de maintien de l'ordre en tout point du territoire.

Cela apparaît ainsi pour l'association, comme pour de nombreux gendarmes, comme une double peine. Nul doute que les syndicats de Police ne devraient pas non plus tarder à réagir. Suite à son exemple lié au commissariat de Police de Lisieux, Gérald Darmanin a d'ailleurs pris soin de préciser qu'il ne s'agissait pas là d'une annonce faite aux policiers et aux gendarmes, mais d'un exemple de ce qui pourrait se faire… Il faudra donc attendre encore un peu pour savoir ce que l'avenir réserve aux membres de forces de sécurité

Reste que ces substitutions, même provisoires, montrent une évidente volonté de rapprochement voire de mutualisation des forces. Un danger pour leur dualisme auquel le candidat Macron avait pourtant réaffirmé son attachement avant l'élection présidentielle de 2022? À suivre.

Les réponses des candidats à l’élection présidentielle 2022 aux questions de L’Essor

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