Les renforts estivaux de la Gendarmerie en place pour un été inédit

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26 juin 2021 | Opérationnel

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Les renforts estivaux de la Gendarmerie en place pour un été inédit

par | Opérationnel

La crise sanitaire semble s’estomper, mais la période des vacances d’été génère d’importants flux de population. Certaines zones, principalement littorales, voient leur fréquentation démultipliée. Une affluence saisonnière souvent synonyme d’accroissement d’activité pour les gendarmes.

Comme chaque année, l’Arme met donc en place pour l'été 2020 un dispositif estival de protection des populations (DEPP). Le colonel Sébastien Jaudon, à la tête du bureau de la sécurité publique de la Direction générale de la Gendarmerie, et son adjoint, le chef d’escadron Ronan Keraudren, sont chargés de la préparation de ce dispositif. L’Essor les a rencontrés pour évoquer avec eux l’impact de la crise de la Covid-19 sur la saison à venir et l’éventuelle adaptation du dispositif.

Un dispositif rodé

Malgré plusieurs changements de nom au fil des ans, le dispositif estival mis en place par la Gendarmerie est bien rodé. Chaque année, des analyses très fines de la situation sont réalisées par la Direction générale. Arrivé il y a deux ans à Issy-les-Moulineaux, c’est le chef d’escadron Ronan Keraudren qui s’y colle. Ainsi, les bilans d’activité et d’interventions des années précédentes sont étudiés de près. Il faut aussi tenir compte des demandes des formations administratives, qui évaluent elles-mêmes leurs besoins dans un premier temps. "C’est ensuite à nous de trancher", confie l'officier.

A l’issue, un plan est présenté au directeur des opérations et de l’emploi (DOE), qui le propose à son tour au directeur général. Le plan global sera soumis au ministre de l’Intérieur, qui l’approuvera ou demandera des ajustements. "Il n’est pas rare que le plan que l’on élabore doive être réajusté au retour de Beauvau, car des élus (maires, présidents de communautés de communes, députés…) expriment leurs requêtes directement aux services du ministre." Une fois les derniers réajustements effectués, la manœuvre est mise en route.

120.000 jours-gendarmes

Cette année, plus de 120.000 jours-gendarmes –l’unité de valeur sur laquelle se base ce plan– sont prévus. Parmi eux, 50.000 rien que pour des gendarmes mobiles, répartis en 69 pelotons. On en compte aussi 48.000 pour des réservistes, 20.000 pour des gendarmes départementaux détachés, et environ 2.500 pour des gardes républicains dans les postes à cheval.

Vingt-cinq départements bénéficient du dispositif estival de protection des populations. Il s’agit essentiellement de départements du littoral. En complément, dix-sept autres départements vont également bénéficier de renforts liés à l’affluence de population. C’est notamment le cas dans les départements hors DEPP où sont implantés des sites culturels et touristiques importants, comme, par exemple, le Futuroscope (Vienne).

"La visibilité a du bon !"

Objectifs de la mission: du contact et de la prévention. Mais aussi de la visibilité! Une attente forte des élus locaux. "Le fait de montrer du bleu provoque un double effet, souligne Olivier Paz, président de l’union des maires du Calvados et maire de Merville-Franceville. "Premièrement, dissuasif pour ceux qui seraient tentés de commettre des infractions. Mais cela génère également un sentiment de sécurité. La visibilité a du bon !"

Sa commune, située entre Caen et Cabourg, voit chaque année sa population se multiplier par six. La brigade dont elle dépend se situe à 20 minutes de route en temps normal. "Autant dire une éternité l’été, avec l’engorgement des voies de circulation, peu adaptées." Pour faire face, un poste provisoire y est installé chaque été. Doté en moyenne d’une douzaine de gendarmes d’active et de réserve, il intervient 24h/24 au profit des communes du littoral.

"Une de nos plus grosses craintes, cette année, portait sur la diminution des effectifs", confie l'édile. De fait, les gendarmes ont été très sollicités pendant la crise. Mais, globalement, les effectifs mobilisés restent stables d’après la Gendarmerie. Un soulagement pour le maire, qui est "rassuré" mais "reste attentif".

Une manœuvre logistique d'envergure

Au total en 2020, le coût de la manœuvre est estimé à près de 8 millions d’euros, en dehors des salaires des gendarmes d’active détachés, qui n’entrent pas dans le calcul. Au-delà de l’aspect purement budgétaire, la manœuvre est monumentale. Il faut en effet loger et nourrir l’ensemble des gendarmes mobilisés sur ces dispositifs. Pour cela, la Gendarmerie peut s’appuyer sur des conventions locales passées entre les formations administratives et les collectivités. "Il y a un véritable effort qui est fait par les collectivités territoriales, remarque Sébastien Jaudon. Alors même que les zones qui accueillent les renforts saisonniers sont souvent en tension."

Un effet qui s’accentuera également cette année avec le renforcement des exigences sanitaires. Il faudra, par exemple, que les espaces communs des logements soient suffisamment vastes pour que les militaires ne soient pas trop proches les uns des autres. Il ne pourra pas y avoir plus d’un militaire par chambre. Enfin, des moyens de nettoyage supplémentaires devront être mis à disposition. Des mesures globalement déjà appliquées. "Il arrivait que ce ne soit pas le cas, mais de vraies améliorations ont été enregistrées ces dernières années." Ces conditions d’hébergement font d’ailleurs, chaque année, l’objet d’un rapport de la part des différentes formations administratives. Ces mesures sont loin d’effrayer le maire de la commune normande, qui se dit "prêt à faire ce qu’il faut" pour les logements des gendarmes.

Adaptabilité

Bien sûr, l’intégralité du dispositif est adaptable. "C’est l’essence même de la Gendarmerie que de savoir s’adapter, souligne le colonel Jaudon. Il est donc toujours possible de redéployer des forces en cas d’événement majeur de sécurité publique." Toutefois, avant de "toucher" aux unités engagées dans les dispositifs saisonniers, il y a de la marge. "Un tel désengagement est déjà arrivé lors de la crise des Gilets jaunes", confirme le colonel Jaudon. Des escadrons avaient alors été désengagés du dispositif hivernal de protection des populations (DHPP) pour des opérations de maintien de l’ordre. "Mais cela reste très exceptionnel." En effet, des forces mobiles de Police et de Gendarmerie sont en permanence disponibles et/ou d’alerte pour renforcer rapidement n’importe quel point du territoire.

Fréquentation : la grande inconnue

La grande inconnue de l’été 2020 est bien entendu la fréquentation des zones traditionnellement touristiques. Même si les frontières internationales tendent à se rouvrir progressivement, les déplacements à l’étranger vont être très limités. En conséquence, les Français vont très probablement se reporter sur des destinations intérieures. Quant aux touristes étrangers, leur nombre risque également de beaucoup diminuer.

Assistera-t-on pour autant à une surfréquentation des plages? Les gendarmes en doutent. Actuellement, les perspectives laissent présager un été plus calme. Notamment en raison des règles sanitaires. Certains établissements, les boîtes de nuit par exemple, ne devraient pas rouvrir, ou du moins pas à 100% de leurs capacités. Bagarres états d’ivresse, accidents… autant de sources d’interventions en moi
ns.

Des risques de débordement ?

En revanche, les free et rave parties représentent l’une des inquiétudes majeures des gendarmes pour cet été. Un mémento a d’ailleurs été diffusé aux unités territoriales afin de leur donner les clés pour agir efficacement face à ce type de rassemblements.

"On sait qu’il risque d’y avoir des débordements, confie le colonel Jaudon. Avec le confinement, les gens n’ont pas pu se voir ou faire la fête ensemble. L’été sera l’occasion pour eux de se rattraper." D’autant que la plupart des concerts et festivals sont annulés. "Il y a aussi des invariants d’une année sur l’autre, poursuit le colonel, comme les traditionnelles implantations illicites de campements de gens du voyage. Ces dernières entraînent nécessairement un surcroît d’intervention, notamment en période estivale."

Enfin, outre la crise sanitaire, l’impact de la crise sociale qui pourrait en découler est une autre inconnue à laquelle les gendarmes restent attentifs. Si l’été est généralement calme sur le plan social, la rentrée et la période hivernale seront particulièrement surveillées.

LP

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