Il y aura bien un procès. Après avoir épuisé tous les recours possibles, le gendarme suspecté d'être responsable de la mort d'Henri Lenfant lors d'une opération ciblant des membres de la communauté des gens du voyage, à Fouquières-Lez-Lens en septembre 2018, passera bien devant la Justice. L'audience, prévue devant la cour criminelle du Pas-de-Calais, au tribunal judiciaire de Saint-Omer, doit avoir lieu au premier semestre 2024.
Après la décision du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Béthune chargé du dossier, consécutive à une enquête qui a duré près de quatre ans, de renvoyer le militaire âgé d'une quarantaine d'années devant les assises, le gendarme et son avocat avaient tout d'abord fait appel de l'ordonnance de renvoi. Un appel rejeté en mars 2023 par la cour d'appel de Douai. Suite à ce premier revers, le militaire s'était pourvu en cassation. Mais comme le signale La Voix du Nord, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, basée à Paris, a statué le 26 juillet 2023, indiquant qu'il "n'existe, en l'espèce, aucun moyen de nature à permettre l'admission du pourvoi". Le procès, dont la date n'est pas encore fixée, se déroulera probablement au cours du premier semestre de l'année 2024. Un soulagement pour la famille Lenfant qui souhaite obtenir réparation.
Des assises à la cour criminelle
Encourant une peine de 15 à 20 ans de réclusion pour "violences avec armes ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l'autorité publique", le gendarme quadragénaire échappe aux assises mais passera devant la cour criminelle. Ce type de juridiction a été créé en 2019, puis généralisé à l'échelon départemental à partir de janvier 2023, après une phase d’expérimentation dans quinze départements et malgré une farouche opposition des syndicats de magistrats et d'avocats. À la différence des cours d'assises, composées de trois juges et de six jurés, les cours criminelles départementales (CCD) sont formées par cinq juges et ne disposent pas de jury populaire. L'objectif est multiple: "soulager" les cours d'assises, débordées, en raccourcissant les délais d’audience, mais aussi, réaliser des économies (avec notamment des audiences plus courtes et l'absence d'indemnisation compensatrice des jurés convoqués).
Quatre ans après la mort d’un homme, un gendarme du GIGN renvoyé aux assises du Pas-de-Calais.
Une opération d'interpellation qui dérape
Au moment des faits, dans la nuit du 27 au 28 septembre 2018, le militaire appartenait à l'antenne-GIGN de Reims. Face à la dangerosité potentielle des personnes ciblées par l'opération d'interpellation, menée dans le cadre d'une affaire de vol de fret et de cambriolages, les gendarmes de cette unité d'intervention avaient été appelés en renfort. Mais tout ne s'était pas passé comme prévu… Vers 3h30, les militaires de l'antenne-GIGN de Reims, en position de surveillance, aperçoivent trois suspects dans un véhicule stationné dans un terrain vague, à proximité du camp ciblé par les enquêteurs. En voyant les gendarmes, le trio se sépare. L’un des trois hommes, Henri Lenfant, tente de fuir au volant de la voiture. Selon le scénario établi ensuite par les enquêteurs de l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN), ce jeune homme âgé d'une vingtaine d'années aurait mis la clé dans le contact et enclenché la marche arrière "au moment où un gendarme pénètre dans le véhicule, sur le siège arrière, côté conducteur. Le militaire sort son arme de service et tire à bout portant. Le jeune – qui n’était pas armé – est tué sur le coup", rapportent alors nos confrères. L’autopsie relèvera qu’il a reçu une balle dans la nuque.
Depuis les faits, l'ancien sous-officier de l'antenne-GIGN de Reims, placé sous contrôle judiciaire, a été reclassé dans un service administratif.