Du Tchad au Niger (jusqu'à présent….), mais aussi au Mozambique, en passant par la Guinée, la Côte d'Ivoire, la RDC et le Burkina Faso, la discrète association suisse Coginta multiplie les missions européennes d'assistance dans le domaine de la sécurité. Elle s'appuie pour cela sur d'anciens haut gradés de la Gendarmerie française.
Dans le milieu très fermé de l'assistance au développement au profit des polices ou des forces armées africaines, l'ONG suisse Coginta fait figure d'ovni. Car, contrairement à ses concurrents, comme les français Défense Conseil International (DCI), opérateur du ministère français des Armées, et Expertise France, agence publique de conception et de mise en oeuvre de projets internationaux de coopération technique, ou encore l'estonien ECDI (Estonia Centre for development Investment), qui sont tous des opérateurs publics liés à des gouvernements de l'Union européenne (UE), elle est une simple association privée.
A sa tête, on trouve le Français Sébastien Gouraud et le Suisse Dominique Wisler, deux spécialistes des questions sécuritaires et judiciaires, anciens membres du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ils ont fondé Coginta après leur départ de l'agence onusienne en 2011 avec Blaise Bonvin, qui a quitté l'association en juin. L'ONG opère depuis son siège de Genève, avec une représentation bruxelloise dirigée par Justine Verdier, une ex-membre du cabinet germano-belge B&S Europe, autre gros acteur de l'assistance au développement.
Un réseau de gendarmes en retraite
Pour rafler les contrats européens de la sécurité africaine, l'ONG suisse aligne une armée de généraux fraîchement retraités de la Gendarmerie nationale. Au siège, on trouve Bertrand Cavallier, qui se consacre à mi-temps à Coginta, en plus de ses propres activités de conseil via sa société Eykues consulting, dont le siège est à quelques mètres de celui du ministère de la Justice, place Vendôme, à Paris. Se définissant lui-même comme"un spécialiste du maintien de l'ordre", le général est bien connu en France pour avoir commandé le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (Dordogne) et participé à la création de la Force de gendarmerie européenne (EuroGendFor). C'est aussi un ancien de la société de sécurité Amarante.
Pour "vendre" des missions à l'Union européenne, Coginta s'appuie sur le réseau des anciens de la Gendarmerie française, une institution bien introduite dans les capitales africaines grâce à la coopération policière de la Direction de la coopération internationale de la sécurité (DCIS) et les missions militaires de la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD). En douze ans, Coginta est passée de 3 à 130 salariés, sur fond de dégradation générale de la sécurité et du développement du terrorisme en Afrique subsaharienne.
Coginta intervient notamment dans la région du lac Tchad aux côtés de la très musclée Force multinationale mixte, qui lutte contre l'organisation terroriste Boko Haram. L'association y œuvre dans des projets d'actions civilo-militaires et de formation des soldats aux droits de l'homme, ses spécialités historiques. Outre le Tchad, elle dispose de bureaux au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, en Guinée, au Niger, au Ghana, en République démocratique du Congo, et surtout au Mozambique.
C'est dans ce pays d'Afrique australe aux énormes ressources gazières que l'ONG suisse a décroché un mégacontrat de 85 millions d'euros, en coopération avec le ministère portugais de la Défense, sur financement de la Facilité européenne pour la Paix (FEP) de l'UE. Coginta a livré 35 vedettes d'intervention rapide aux garde-côtes du Mozambique, ainsi que des véhicules et des uniformes pour soutenir les forces armées locales aux prises dans la région de Cabo Delgado avec un groupe autoproclamé djihadiste. Ce contrat fait suite à un premier programme avec la FEP dans la même région, pour un montant de 4 millions d'euros.
Avec ces missions, Coginta a rejoint le club des acteurs de la Facilité européenne pour la Paix, un petit milieu où évolue à peine une dizaine d'acteurs et où les projets sont attribués sans appel d'offres par la Commission européenne. Des programmes sur lesquels les opérateurs prélèvent des frais de fonctionnement qui peuvent aller de 8 à 20%.
(Avec La Lettre A)
Le général Cavallier s’exprime souvent dans les medias. Le maintien de l’ordre est sa spécialité.