Antidater de quelques heures la naissance de son enfant pour bénéficier d'avantages en termes d'impôts et de scolarité et ainsi réaliser des économies : c’est l’idée qu’a eue un gendarme, affecté à la brigade de Latresne (Gironde). Il a déclaré la date de naissance de sa fille au 31 décembre 2021 alors que la sage-femme a procédé à l’accouchement, dans cette caserne, le 1er janvier 2022.
L'accouchement a eu lieu dans le logement du gendarme au sein de la caserne
Dénoncé par ses supérieurs, le militaire était jugé le 10 novembre 2023 dans un procès où il jouait aussi sa carrière. Le tribunal correctionnel de Bordeaux l’a condamné à une peine de deux mois de prison avec sursis et une interdiction d’exercer dans la fonction publique, pour avoir obtenu frauduleusement un acte de naissance où le jour J est antidaté.
Comme l’explique Sud Ouest, l’histoire débute par le plus grand des hasards, le 1er janvier 2022, quand une femme se retrouve coincée, devant la porte de la brigade de Latresne. Elle sonne à l’interphone et se présente comme une sage-femme. Elle "vient d’accoucher" la femme d’un gendarme à domicile. Elle a oublié son téléphone portable et souhaite donc le récupérer. Le Centre opérationnel de la gendarmerie (COG) fait alors le nécessaire pour qu’elle récupère son mobile. A cette occasion, le commandant de brigade apprend la naissance de la fille du gendarme le jour même. Il lui adresse ses félicitations et attend le prénom de l'enfant afin ensuite de diffuser la bonne nouvelle dans la caserne.
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Le gendarme jouait aussi sa carrière au cours de ce procès
Mais quand le gendarme communique quelques jours plus tard le prénom de sa fille à ses collègues, il mentionne qu’elle est née le 31 décembre 2021 et non le jour de l’an 2022. Son supérieur le lui fait alors remarquer car c’est bien le 1er janvier que la sage-femme a sonné à la brigade après avoir oublié son téléphone. Le papa-gendarme, selon nos confrères, admet finalement cet arrangement avec la vérité pour son côté pratique. Mais toujours à l’oral et jamais à l’écrit.
A son procès, le prévenu précise que ses supérieurs ont mal compris et que sa fille est bien née le 31 décembre. Lors de l’enquête, sa femme et la sage-femme ont corroboré la version du gendarme. Pourtant, comme le souligne l’enquête, le téléphone portable de la sage-femme n’a jamais borné autour de la caserne la nuit de la Saint-Sylvestre, mais bien le jour de l’an. La conversation de la sage-femme, au moment où elle a sonné à l’interphone de la brigade le 1er janvier, a été également retranscrite à l'audience. "Je vous dis qu’elle l’a accouchée la veille" s’est pourtant entêté le prévenu. Le président du tribunal, Marc Fritsch n'en a pas cru un mot. "Vos simples déclarations ne font pas disparaître comme par magie les éléments du dossier". Également interrogé sur une autre procédure, le gendarme s’est enfoncé et a avoué avoir consulté illégalement un fichier à des fins personnelles pour le compte de sa belle-sœur.
Une affaire privée devenue publique
Toujours en poste à la brigade de Latresne, le prévenu jouait aussi sa carrière au cours de ce procès. "Il s’est enfermé et ne peut plus faire machine arrière", a expliqué la vice-procureure Sylvie Rodrigues. "Cette affaire privée est devenue publique et professionnelle. La question de sa probité et de sa crédibilité pour représenter l’autorité se pose". La défense, de son côté, a plaidé la relaxe, avançant que le mobile ne tient pas, car le couple avait déjà une place en crèche.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux a finalement décidé de condamner le gendarme à une peine de deux mois de prison avec sursis, avec interdiction d’exercer une fonction publique.