Qui était Nadia Mostefa, cette gendarme rayonnante et dynamique?

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22 mars 2022 | Vie des personnels

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Qui était Nadia Mostefa, cette gendarme rayonnante et dynamique?

par | Vie des personnels

Une semaine après la mort tragique de Nadia Mostefa, qui a mis fin à ses jours en s’immolant par le feu à Montpellier, l’émotion est toujours très forte. “Tu vas laisser un grand vide, je suis dévastée”, signale ainsi une internaute sur la page Facebook de cette capitaine de Gendarmerie, âgée de 40 ans. “Repose en paix, tes frères d’armes ne t’oublieront pas”, souligne une autre proche. “Nous sommes abasourdis”, commente enfin auprès de L’Essor l’un de ses camarades dans l’Arme.

Grâce au témoignage de ses proches et aux messages que la capitaine a laissé sur les réseaux sociaux, on en sait un peu plus sur la disparue. “C’était un rayon de soleil : personne ne pouvait ne pas aimer Nadia”, commente une amie, jointe par L’Essor. Cette fille d’un couple algérien modeste – selon une proche, son père était ouvrier, sa mère s’occupait du foyer – était originaire de Moselle, plus précisément de Folschviller. Une ancienne cité minière du nord-est de la France “de loin la plus belle école de la vie, écrivait à l’intention de la disparue l’une de ses amis sur sa page Facebook. Elle nous a appris l’importance des relations humaines, peu importe la couleur ou la religion.”

Une capitaine de Gendarmerie s’immole par le feu à Montpellier

Souriante et dynamique

Sur les photos que Nadia Mostefa partageait sur les réseaux sociaux, elle était souriante et dynamique. Elle alternait des posts graves en mémoire à des disparus, comme le général Jean-Marc Isoardi, des posts plus sérieux, des appels à la solidarité et des clins d’oeils plus potaches, tels son soutien indéfectible à la défense du “pain au chocolat” contre la “chocolatine”

Si entre les lignes l’internaute au plus de 5.000 abonnés sur twitter faisait comprendre que son fils Naëm était le soleil de sa vie, elle restait toutefois pudique sur sa vie privée. Quand elle se mettait en scène, la plupart du temps en uniforme, c’était avant tout pour montrer l’Arme sous son visage le plus humain, comme ce saut en élastique. “Prête pour le GIGN”, glissait-elle, amusée en commentaire de cette vidéo.

Après avoir envisagé un temps dans sa jeunesse de travailler dans l’enseignement, Nadia Mostefa, diplômée d’un Deug de mathématiques et d’informatique obtenu à l’université de Strasbourg, avait rejoint la Gendarmerie en 2001. Elle avait auparavant travaillé comme animatrice et rejoint le conseil municipal de Folschviller pour prendre en main la section des sports.

Dans l’Arme, elle devient sous-officière du corps de soutien technique et administratif. Elle se spécialise dans le suivi des affaires immobilières en devenant la conductrice de travaux du transfert de l’école de gendarmerie du Mans à Rosny-sous-Bois et Maisons-Alfort. Puis, en 2009, elle réussit le concours d’officier du corps technique et administratif, ces personnels chargés du soutien, de la logistique, de l’administratif et des relations institutionnelles, généralement dans les états-majors de région. Ce qui n’est pas une mince affaire: le concours est très sélectif au vu du faible nombre de places offertes. Ils ne sont ainsi que six candidats – elle est classée troisième dans la décision parue au Journal officiel – à avoir été admis dans la décision qui lui ouvre les portes de l'école des officiers. 

Deux cagnottes pour la famille de la capitaine Nadia Mostefa

Nommée lieutenante en 2011, elle devient cheffe de service “Ressources humaines”. Avant d’être propulsée, tout juste capitaine, officière communication en région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle a gagné ses trois galons en 2014. Un poste où l’officière subalterne, confrontée à l'horreur de l’affaire Lelandais, va pleinement s’épanouir. En témoigne le flashmob géant qu’avait organisé cette fan de l’Olympique de Marseille au stade Geoffroy-Guichard au profit de l’association “Gendarmes de coeur”. Une action caritative née après un défi lancé aux internautes à la suite du partage d’une vidéo loufoque mettant en scène des policiers américains.

“Cette chef militaire était particulièrement à l'aise dans son poste et dans sa stratégie de communication”, remarquait un gendarme sur sa page sur le réseau Linkedin. “Elle sait créer une dynamique qui entraîne tout le monde dans son sillage”, poursuivait-il, louant une gendarme sérieuse et créative. Elle s’était ainsi investie dans l’association des Képis Pescalunes, une association d’aide aux enfants malades ou orphelins de la Gendarmerie, notamment à travers la vente de masques de protection Covid siglés de la grenade. 

“Tout le monde faisait partie de sa famille”

Nadia Mostefa était une femme “élégante et coquette, qui aimait rendre les gens heureux”, résume son amie Sandra Chenu Godefroy. “Ce n’était pas une fêtarde, mais elle aimait accueillir chez elle”, ajoute cette photographe. Généreuse, Nadia proposait ainsi à son amie, lors ses passages à Lyon, de lui laisser les clés de son appartement pour éviter de payer l’hôtel. 

Tout le monde faisait partie de sa famille, son fils avait pris l’habitude d’appeler chacune de ses amies tata, poursuit Sandra Chenu-Godefroy. Cet amour pour les autres se retrouvait dans ses actions : elle avait à coeur de créer du lien social et de montrer que le gendarme était avant tout une personne, par exemple en organisant des soirées de visionnage de match de football, ouvertes à tous, dans sa caserne.”

Toutefois, cette gendarme passionnée ne cachait pas les moments douloureux qu’elle avait vécu dans l’Arme. Comme par exemple ce message en souvenir du lieutenant Gregory Girard, qui s’était suicidé en 2013. “Que justice soit faite pour Greg”, son “binôme de combat” et son “confident”, demandait-elle en partageant un article du Journal du dimanche dévoilant la procédure judiciaire lancée, en vain, par la famille qui voulait faire reconnaître la responsabilité des anciens supérieurs de cet officier. 

Puis l’univers de Nadia Mostefa avait visiblement commencé à chanceler à sa nomination, en août 2019, comme cheffe de cabinet et responsable de la communication de la région de Gendarmerie de Bourgogne-Franche-Comté. De nouvelles responsabilités qui l’auraient entraîné dans la dépression, allègue l’un de ses camarades. 

De fait, la capitaine était restée seulement neuf mois dans la cité des Ducs, avant d’être mutée comme cheffe de section dans la région Languedoc-Roussillon. Si, comme se souvient son amie Sandra Chenu Godefroy, “elle disait, contente de renouer avec le soleil et la plage, que son nouveau job était chouette, parce qu’il lui permettait de prendre soin d’autres gendarmes”, ce nouveau poste avait été synonyme d’une double rupture. 

Familiale d’abord, avec des difficultés liées à la garde de son fils, son ex-mari vivant à Dijon. Mais également professionnellement, ses nouvelles missions l’éloignant de la communication, cette activité qui l’avait passionnée. Autant de problèmes qui ont pu déstabiliser la gendarme, qui aurait finalement mis fin à ces jours, selon Midi Libre, après avoir appris qu’elle avait perdu la garde de son fils.

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