Le 10 décembre 2023, un étrange décret "portant virement de crédits" est paru au Journal officiel. Il annule près de 20 millions d’euros (19.893.944€ précisément) en autorisations d'engagement et en crédits de paiement au sein de diverses missions du ministère de l’Intérieur. La mission "Sécurités" est concernée à hauteur de 8,6 millions d’euros, dont 6 millions proviennent de la Police nationale et le reliquat de la Sécurité civile. Le même texte prévoit l’ouverture d’autorisations d'engagement et de crédits de paiement pour le même montant de 19.893.944€, au profit de la Gendarmerie nationale. Ces annulations et ouvertures concernent le "titre 2", c’est à dire les dépenses de personnel dans la nomenclature budgétaire.
Une situation des plus classiques
Il n’en fallait pas plus pour qu’un lecteur nous signale ce texte en dénonçant "des tours de passe passe pour assurer la paie des gendarmes pour décembre 2023". De son côté, la très informée Lettre A estimait "la Place Beauvau contrainte de racler les fonds de tiroir pour payer ses gendarmes".
La situation est pourtant des plus classiques, explique néanmoins un gendarme au fait des questions budgétaires selon qui, chaque année, une régularisation a lieu pour le titre 2. En effet, celui-ci concerne des dépense de personnels, avec leurs primes. Or il est impossible de prévoir à l’euro près ce qui devra être versé au cours de l’année. En général, c’est d’ailleurs la Gendarmerie qui prévoit large et qui voit ce surplus reversé à d’autres programmes. Ainsi, en 2010, la Fédération nationale des retraités de la Gendarmerie s’inquiétait déjà de ce que l’Arme avait dû reverser 23.500.000 € à la Police pour que celle ci puisse "assurer dans de bonnes conditions la paye des policiers du mois de décembre".
Règles budgétaires
Ce surplus serait de toute façon perdu puisque "les crédits disponibles sur le titre 2 ne peuvent pas venir abonder les crédits inscrits sur le titre 2 l’année suivante, en application de l’article 15-II de la Lolf (Loi organique relative aux lois de finances NDLR)", rappelle le ministère du Budget dans ses circulaires budgétaires.
La Lolf prévoit d’ailleurs que "des virements peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère", ces virements cumulés "ne pouvant excéder 2% des crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes concernés. Ce plafond s'applique également aux crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel pour chacun des programmes concernés".
Pour 2022, la loi de finances prévoyait 7.815.196.786€ en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement pour le Titre 2 de la Gendarmerie. L’ajustement de fin d’année prévu dans le décret correspond donc à 0,25% des dépenses de personnel annuelles de l’Arme. Bien loin du plafond annuel autorisé par la Lolf.
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