Deux gendarmes ont bénéficié d'un non-lieu après avoir été soupçonnés d'avoir participé, en se faisant passer pour des avocats, à une escroquerie immobilière montée en 2012 par leur indic, dans une enquête sur un réseau d'importation de cocaïne, selon une source proche du dossier.
Les deux gendarmes, Eric T., et Emmanuel B., en poste à l'époque à la section de recherches de Paris, étaient mis en examen pour usurpation de titre et complicité d'abus de confiance notamment.
Le 22 décembre, la juge parisienne chargée des investigations a ordonné l'abandon total des poursuites pour eux, selon une ordonnance de non-lieu partiel, consultée par l'AFP et révélée par Le Parisien. Les deux indics ont eux été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour faux en écriture publique.
Pour se rémunérer ou pour permettre de "tamponner" (aborder afin obtenir des informations) des blanchisseurs de l'argent de la drogue, ce tandem a commencé en 2010 à promettre à une dizaine de personnes, dont des trafiquants, de juteuses affaires immobilières sur des biens saisis par la justice. A condition de verser des sommes en cash… qui se sont envolées.
Un gendarme déguisé en avocat ?
Ne voyant pas les biens immobiliers venir, les clients auraient menacé l'indic. L'un des gendarmes est alors allé à au moins un rendez-vous en robe d'avocat pour, selon sa défense, protéger son indic afin qu'il "ne perde pas la confiance de l'organisation criminelle". Parmi les plaignants, figuraient des cibles des deux enquêteurs, condamnés dans le dossier principal de trafic de stupéfiants.
La juge a conclu que les faits étaient prescrits. "Aucun droit ne lui permettait d'user de ce titre ou d'une robe d'avocat dans une enceinte judiciaire", a-t-elle néanmoins rappelé au sujet Emmanuel B. Quant à son collègue Eric T., elle a conclu qu'il n'avait pas été établi qu'il se soit bien présenté comme avocat lors de rendez-vous.
"Le non-lieu est logique (… ) la dénonciation initiale était une pure instrumentalisation dont le but était de tenter d'affaiblir les investigations dans le dossier de stupéfiants", a pointé Me Rodolphe Bosselut, avocat d'Eric T.
Pour Me Jérôme Karsenti, avocat de l'autre gendarme qui "clame son innocence depuis le début", "les pseudo victimes, qui avaient inventé de toutes pièces les accusations portées contre lui, avaient pour objet de discréditer l'enquête qu'il avait menée et qui avait conduit au démantèlement d'un gros réseau de stupéfiants".
Le parquet de Paris avait en revanche demandé un procès pour l'ensemble des protagonistes.
"C'est très rare d'observer que le parquet poursuit des indicateurs et des gendarmes. Si cela a été le cas ici, c'est qu'on était au-delà des pratiques dans la relation forces de l'ordre/indicateurs/délinquants", a pointé pour sa part Me Menya Arab-Tigrine, avocate de plaignants, convaincue que les gendarmes ont eux-mêmes participé à l'escroquerie immobilière. "L'institution judiciaire n'est pas là pour couvrir des infractions qui seraient commises par les forces de l'ordre", a-t-elle ajouté.
(Avec l'AFP)