Les gendarmes viennent de démanteler un réseau de fabrication d'armes imprimées en 3D et de diffusion de ces armes en France et en Belgique, une première en France. C'est l'aboutissement d'une enquête d'un an menée par des cyber-gendarmes, avec l'infiltration d'enquêteurs au sein de groupes Telegram, qui s'est conclue par un vaste coup de filet fin janvier 2024 dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ile-de-France, Grand-Est, Midi-Pyrénées et en Belgique. Trois cents gendarmes, dont une équipe du GIGN, ont été mobilisés pour interpeller quatorze personnes, récupérer huit imprimantes 3D, sept armes 3D complètes, vingt-quatre armes conventionnelles, souvent non déclarées et saisies principalement chez des collectionneurs.
Ce réseau était dirigé par un homme de 26 ans, déjà condamné pour une infraction liée aux stupéfiants, qui habitait la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var) avant de déménager en Belgique. Un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre par la France. Selon le colonel Hervé Pétry, chef de l'unité nationale cyber, le chef de ce réseau "partageait une mentalité de libertarien" (libéral radical) s'inscrivant dans "la mouvance pro-armes étasunienne" dont le but est de "diffuser des armes au plus grand nombre de personnes pour se protéger de l'Etat qu'ils considèrent comme totalitaire et oppresseur".
Six personnes ont été placées en détention provisoire, cinq autres sont sous contrôle judiciaire, dont une maintenue à domicile sous bracelet électronique. Toutes ont entre dix-huit et une trentaine d'années et parfois des antécédents judiciaires. Certains fabriquaient les armes, d'autres les revendaient. Des acheteurs (collectionneurs ou personnes liées au trafic de stupéfiants) ont également été arrêtés.
Des peines jusqu'à six ans d'emprisonnement
Afin d'échapper aux contrôles, les pièces fabriquées à l'aide d'une imprimante 3D étaient envoyées séparément à l'acheteur, via des sites en ligne avec des paiements en cryptomonnaies. "Cela reste interdit par la loi avec des peines pouvant aller jusqu'à six ans d'emprisonnement", a rappelé le procureur de Marseille Nicolas Bessone, lors d'une conférence de presse.
Parmi les armes saisies figurent des FGC-9 pour "Fuck Gun Control", aux caractéristiques similaires à celles de fusils d'assaut, tirant des balles de 9 mm, le calibre d'arme de poing le plus répandu au monde. Elles pouvaient être fabriqués à domicile par une imprimante 3D (150 euros pièce) à l'aide d'un tutoriel disponible sur le darkweb. Ces armes, "de bonne voire très bonne" qualité, dépourvues de marquage et donc non traçables, sont "proches à 95 % du modèle d'origine", a précisé le colonel Pétry. Elles pouvaient ensuite être revendues entre 1.000 et 1.500 euros sur le marché clandestin, soit le prix d'une kalachnikov avec ses munitions.
Une arme de type FGC-9 a été utilisée en juin 2023 lors d'une tentative d'assassinat manquée, aucune des six balles tirées n'ayant touché les personnes visés devant un commerce du centre de Marseille. En 2019, un tireur à Halle (Allemagne) avait utilisé une arme 3D conçue par ses soins lors de son attaque contre une synagogue et un restaurant turc, qui avait fait deux morts.
Pour autant, ces armes en 3D ne sont pas constituées – "pour le moment" – uniquement de pièces en plastique qui rendraient leur détection impossible, explique à L'Essor un expert en balistique. La crosse, la poignée, le fut de l'arme ou le chargeur qui "ne subissent pas les contraintes physiques provoquées par le tir", sont en plastique. Mais le canon et la culasse de l'arme doivent être renforcés avec des implants métalliques, car, sinon l'arme exploserait lors du tir en raison de la pression exercée sur la cartouche. Ce spécialiste fait remarquer que la carcasse du pistolet Glock (9 mm) est composée de polymères, mais que 80% de ses pièces (culasse, canon, ressort du chargeur, percuteur…) sont en métal.
PMG (avec l'AFP)