Après la découverte d'ossements par une randonneuse le samedi 30 mars 2024, le mystère sur la disparition et la mort du petit Emile reste entier dans les Alpes-de-Haute-Provence. Formellement identifiés comme étant ceux du garçonnet par les experts de l'Institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale (IRCGN) de Pontoise, ces ossements, dont un crâne d'enfant, ont déclenché de nouvelles recherches dans le secteur. Des recherches engagées par une centaine de gendarmes qui ont abouti deux jours plus tard, le lundi 1er avril, dans le même secteur à la découverte du tee-shirt, de la culotte et des chaussures du garçonnet. Une nouvelle découverte intervenue quatre jours seulement après la "mise en situation" qui avait été organisée au Haut-Vernet, ce minuscule hameau de 25 habitants entre Gap et Digne-les-Bains où l'enfant a disparu le 8 juillet 2023.
Menées par une centaine de gendarmes, les opérations visant à rechercher des éléments susceptibles de d'expliquer le décès de l'enfant, ont mobilisé d'importants moyens, dont des dizaines d'enquêteurs, des anthropologues, des drones et des équipes cynophiles spécialisées dans la recherche et la détection de restes humains, venues du Centre national d'instruction cynophile (CNICG) de Gramat (Lot). "Comme à chaque fois qu’il a des pistes froides, on envoie des équipes cynophiles. Les chiens sont en capacité de repérer des restes humains, qui ont été enfouis. Ou au contraire de fermer les portes : c’est-à-dire de garantir qu’il n’y a rien sur cette zone", détaille à nos confrères de La Dépêche le colonel Pascal Ségui, commandant du CNICG.
Les limites du ratissage
"Les médias se focalisent prématurément sur l'éventuel échec du ratissage sur le terrain effectué par des gendarmes, des sapeurs-pompiers et de très nombreux volontaires civils)", analyse un officier supérieur de Gendarmerie à la retraite qui rappelle qu’il n’y a pas, "à cette heure (la preuve) que le corps du petit était bien dans la zone ratissée au moment de la battue dans le secteur où on a retrouvé ses restes mortels".
Surtout, rappelle-t-il, "un ratissage ne se fait pas au coude-à-coude et souvent se limite à ce qui est vu autour de soi. C'est une opération qui s'impose au titre des moyens à déployer mais dont les résultats ne sont jamais garantis".
Cet ancien gendarme, qui a piloté plusieurs opérations de ratissage dans sa carrière, rappelle ensuite que nombre des volontaires civils du ratissage initial en juillet 2023 étaient "en short et donc jambes nues", ce qui les forçait à "contourner les buissons et plus particulièrement les buissons avec épineux qui peuvent avoir une surface plus ou moins étendue".
"Des impasses ont donc nécessairement été faites à l'insu de l'organisateur-gendarmerie de l'opération", conclut-il.
Premières analyses
Parallèlement aux investigations sur le terrain qui ont repris dimanche, l'analyse par l'IRCGN des premiers ossements retrouvés – un crâne et des dents – pourrait notamment permettre de déterminer si le corps de l'enfant se trouvait bien à cet endroit dès son décès ou s'il y a été amené a posteriori. Car la zone, au-dessus du Haut-Vernet, où le crâne du petit Emile a été retrouvé samedi, sur un chemin escarpé assez éloigné du bourg, avait été largement inspectée en juillet, par des battues citoyennes, les gendarmes, mais aussi des chasseurs. Les enquêteurs essaient donc de vérifier si "ces ossements ont pu être ramenés par une personne humaine, un animal, ou bien les conditions météo", comme l'expliquait lundi 1er avril la colonelle Marie-Laure Pezant, porte-parole de la Gendarmerie.
Jean-Luc Blachon, le procureur d'Aix-en-Provence, a donc annoncé le mardi 2 avril lors d'une conférence de presse la découverte de vêtements d'Emile. Depuis la reprise des recherches d'indices par les gendarmes aucune nformation n'a filtré sur l'avancée des recherches, qui "dureront le temps qu'il sera nécessaire", avait prévenu lundi le colonel Pierre-Yves Bardy, commandant du groupement de gendarmerie des Alpes-de-Haute-Provence.
Le hameau, rattaché au village du Vernet, est lui coupé du monde depuis dimanche pour les besoins de cette nouvelle phase de l'enquête, et il restera inaccessible à toute personne extérieure au moins jusqu'en fin de semaine, selon un arrêté municipal.
Les évolutions de l'enquête
Initialement ouverte pour "recherche des causes de disparition inquiétante", l'enquête avait basculé sous le régime de l'enquête préliminaire le 12 juillet, toujours sous la direction du parquet de Digne-les-Bains. Puis elle s'était transformée en information judiciaire le 18 juillet, avec la saisine de deux juges d'instruction d'Aix-en-Provence, et le dossier avait donc été transféré au parquet d'Aix.
Enfin, le 21 août, l'enquête judiciaire avait été élargie aux faits criminels "d'enlèvement" et "séquestration", une décision purement technique non liée à une avancée particulière, avait alors insisté le parquet, selon qui cette nouvelle qualification permettait "plus de souplesse" dans les investigations.
Une "mise en situation" –sorte de reconstitution des faits– en présence de 17 personnes, dont toutes celles qui étaient là le jour de la disparition du bambin, avait eu lieu pour la première fois jeudi 28 mars 2024 au Haut-Vernet. Le petit Emile y aurait été aperçu pour la dernière fois par deux voisins le 8 juillet 2023, vers 17h15. Ce jour-là, le garçonnet venait d'arriver pour l'été dans la résidence secondaire de ses grands-parents maternels. Ses parents, qui résident à La Bouilladisse, dans les Bouches-du-Rhône, n'étaient pas présents.
La découverte du crâne et de vêtements du petit Emile donnent certes quelques indications, mais rien ne permet toujours d'expliquer comment ce garçonnet de deux ans et demi a disparu puis trouvé la mort début juillet.
(Avec l'AFP)
(Article actualisé avec la découverte de vêtements du petit Emile et le point de vue d'un officier supérieur de la Gendarmerie à la retraite)
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