Il y a trente ans, la libération des otages de l’airbus d’Air France par le GIGN à Marignane

Photo : Prises par le photographe Eric Camoin pour l'agence Reuters, ces photos de l'assaut de l'Airbus A320 à Marignane par les hommes du GIGN ont fait le tour du monde. (Photo d'archives - Eric Camoin/Reuters)

24 décembre 2024 | Opérationnel

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Il y a trente ans, la libération des otages de l’airbus d’Air France par le GIGN à Marignane

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Il y a exactement trente ans, le 24 décembre 1994, débutait sur l’aéroport d’Alger la prise d’otages de 239 personnes à bord d’un avion d’Air France. Le 26 décembre 1994, le GIGN libérait sur l’aéroport de Marignane, après 54 heures de tension extrême, les 173 personnes encore retenues dans l’appareil par un commando d’islamistes algériens. Cette opération reste à ce jour la plus importante libération d’otages à bord d’un avion.

Voici le récit de cette prise d’otages et celui de l’opération, lancée et réussie à Marignane par le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), commentée par le général d’armée (2S) Denis Favier, ancien directeur général de la Gendarmerie (DGGN).

Marignane restera une « opération extrême et lourde, explique Denis Favier, alors commandant du GIGN, avec tous les ingrédients d’une crise majeure : relations conflictuelles entre deux Etats, période de fêtes de Noël, nombreux otages, nature du terrorisme islamiste ».

GIGN et EPIGN placés en alerte

Tout commence deux jours plus tôt, le samedi 24 décembre 1994, en fin de matinée, sur l’aéroport Houari Boumédiène à Alger. Le vol AF 8969 (239 personnes à bord, dont 12 membres d’équipage d’un Airbus A320), s’apprête à décoller pour Paris. Quatre jeunes islamistes du Groupe islamique armé (GIA) pénètrent dans l’appareil, armés et munis d’explosifs. Ils exigent la libération de deux dirigeants islamistes emprisonnés. Le gouvernement algérien négocie avec le commando.

En France, le GIGN et l’Escadron parachutiste de la gendarmerie nationale (EPIGN) sont placés en alerte. À Alger, les terroristes du GIA libère 63 personnes, par petits groupes. Ils tuent deux otages, un policier algérien, puis un diplomate vietnamien. Quelques heures plus tard, ils exécutent Yannick Beugnet, 28 ans, cuisinier à l’ambassade de France à Alger.

Lundi 26 décembre. Le gouvernement algérien laisse enfin décoller l’Airbus vers 2h00 du matin. Il reste à bord 173 personnes, dont les 12 membres d’équipage, et les quatre membres du commando. L’appareil se pose une heure plus tard à l’aéroport de Marseille Marignane sur une piste à l’écart de l’aérogare. 51 gendarmes du GIGN et de l’EPIGN ont pu se déployer sur l’aéroport avant l’arrivée de l’Airbus.

Faire exploser l’avion au dessus de Paris

Toute la journée, le gouvernement français négocie avec le commando qui exige que le plein soit fait pour redécoller vers Paris. On saura plus tard que les terroristes voulaient faire exploser l’avion au dessus de la capitale française. Le commando oblige Bernard Dhellemme, le commandant de bord, à se rapprocher de la tour de contrôle. Un terroriste tire en direction de la tour. Le GIGN se redéploie discrètement et monte un plan d’assaut d’urgence. « Nous réarticulons notre dispositif en quelques minutes, se souvient Denis Favier. Le déclenchement immédiat du plan d’assaut d’urgence, c’est la solution la plus défavorable ».

À 17h00, le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua donne l’ordre de lancer l’assaut. « Au moment de donner le top action, dit Denis Favier, je n’ai pas la crainte de l’échec. Nous sommes dans la crise depuis 54 heures. L’esprit du GIGN est là. Il faut s’engager et sauver des vies. »

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Feu nourri sur les gendarmes

17h12. Trois passerelles motorisées, pilotées chacune par un gendarme, foncent vers l’appareil. La première transporte huit hommes, dont le chef d’escadron Favier. Elle se colle sur la porte avant droite. Un gendarme ouvre la porte. Les quatre terroristes, regroupés à l’avant de l’avion, d’abord devant le poste de pilotage, puis à l’intérieur, ouvrent un feu nourri sur les premiers gendarmes. En même temps, les deux autres passerelles – emportant chacune dix gendarmes – se positionnent sur les portes arrière gauche et arrière droite. Ces gendarmes entrent et remontent l’allée centrale de l’Airbus vers le poste de pilotage pour évacuer les passagers et renforcer leurs camarades.

Jean-Paul Borderie, le copilote de l'Airbus A320, s'échappe en sautant du cockpit lors de l'assaut de l'avion par le GIGN, à l'aéroport de Marignane, le 26 décembre 1994. (Photo: Eric Camoin/Reuters)

Jean-Paul Borderie, le copilote de l’Airbus A320, s’échappe en sautant du cockpit lors de l’assaut de l’avion par le GIGN, à l’aéroport de Marignane, le 26 décembre 1994. (Photo: Eric Camoin/Reuters)

17h13. Les toboggans se déploient. En moins de quatre minutes, tous les passagers et les membres d’équipage – sauf le commandant de bord et un mécanicien bloqués dans le cockpit – sont évacués par les toboggans gonflables. Sur le tarmac, les gendarmes de l’EPIGN les récupèrent pour les mettre à l’abri. Le co-pilote Jean-Paul Borderie quitte le cockpit en sautant par un hublot d’une hauteur de six mètres. La fusillade oppose les quatre membres du commando et les gendarmes dans l’appareil. Ils sont appuyés par les tirs de huit autres gendarmes avec leurs fusils de précision FR-F1, postés dans un bâtiment de l’aéroport.

17h32. « Ici le commandant de bord, ne tirez plus, ils sont tous morts ». L’assaut a duré 17 minutes. Les terroristes et preneurs d’otages ont tiré 1.500 balles. Les quatre terroristes sont morts. Les 173 otages sont sains et saufs. Dix gendarmes sont blessés. Parmi les gendarmes, Thierry Prungnaud, le deuxième à pénétrer dans l’appareil sera le plus grièvement atteint, touché par sept balles de kalachnikov et par l’explosion d’une grenade.

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« Le brouillard de la guerre »

« C’est le silence, se souvient Denis Favier. Un silence irréel comme dans du coton. Il y a dix minutes d’incertitude. C’est le brouillard de la guerre. » Puis une vingtaine de gendarmes se regroupent sous l’avion. « Ils sont sous le choc, commente Denis Favier. On n’a pas le sentiment d’avoir fait un gros coup, mais celui d’avoir fait quelque chose hors normes. À ce moment, la notion de fraternité d’armes a tout son sens. »

Les gendarmes du GIGN et de l’EPIGN regagnent ensuite Paris dans la nuit avec un avion d’Air France. Ils se voient accueillis par Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget et porte-parole du gouvernement Balladur, et les familles des otages, franco-algériens en majorité. Un accueil triomphal avec des youyous.

Le lendemain le président François Mitterrand reçoit les gendarmes du GIGN à l’Elysée. Le retentissement de l’opération est mondial. La jeune chaine d’informations en continue LCI a filmé l’assaut en léger différé. Les journaux du monde entier publient à la une les photos de l’assaut des gendarmes pénétrants dans l’avion d’Air France : celles de Georges Gobet (AFP), de Eric Camoin (Reuters) ou de Serge Pagano (SIpa). En mars 1995, dans un amphithéâtre de l’Ecole militaire à Paris, toutes les grands unités étrangères d’intervention sont d’ailleurs – à leur demande – débriefiées par le GIGN.

Renforcement de la sécurité dans les aéroports

Depuis 1994, la sécurité a été renforcée de manière drastique dans les aéroports (passage de bagages aux rayons X, fouille des passagers avant l’embarquement…). Les détournements d’avion diminueront très rapidement. Après Marignane, où, de l’avis même de Denis Favier, le GIGN « était à la limite » en termes de personnels et d’équipements, l’unité va compter plus d’une centaine de gendarmes. L’opération de Marignane, puis les prises d’otages de masse du début des années 2000, déboucheront en 2007 sur la création d’une nouvelle unité de près de 400 hommes, rassemblant le GIGN historique, l’EPIGN et le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR).

Pierre-Marie GIRAUD

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