Les magistrats de la Cour des comptes viennent de publier leur rapport sur le bilan du rattachement de la Gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Voici ce qu’il faut retenir de ce document dense de 172 pages, demandé par la commission des finances du Sénat.
Pas d’étude d’impact
C’est l’une des informations les plus étonnantes du rapport des magistrats de la rue Cambon. Le rattachement de la Gendarmerie à l’Intérieur, en 2009, "n’a pas fait l’objet d’étude d’impact". De même, "aucun objectif pluriannuel d’économies budgétaires n’a été précisément défini à cette occasion", regrette la Cour des comptes. Et les magistrats financier d’observer que "le ministère de l’Intérieur aurait été fondé à formaliser un plan de rationalisation et de mutualisation". Un signe d’un rattachement réalisé sur la pointe des pieds Place Beauvau?
Des mutualisations en demie teinte
Pour les magistrats financiers, le bilan des mutualisations entre Police et Gendarmerie est mitigé. Elles "ont été menées de manière volontaire, mais sur la base d’objectifs de principe et sans traduction chiffrée, à la faveur de la création de nouveaux services mutualisés", notent-ils. Retenons ainsi la direction de la coopération internationale, le service des technologies de l’information de la sécurité intérieure, ou encore le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique. Les magistrats suggèrent de poursuivre les efforts sur le terrain de l’intervention, en faisant évoluer les moyens de l’Unité de coordination des forces d’intervention. De même, ils se prononcent pour la mise en place d’un pilotage unifié de la police technique et scientifique, un vieux serpent de mer. Enfin, ils appellent à développer des formations communes dans le maintien de l’ordre.
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Les gendarmes gagnant sur la solde
Selon la Cour des comptes, la solde des gendarmes a gagné au rattachement. "En bénéficiant ainsi des avancées issues des négociations sociales du ministère de l’Intérieur avec les policiers, tout en conservant un statut militaire, la Gendarmerie est devenue en quelque sorte la locomotive du ministère des Armées en termes d’avancées statutaires, notent-ils. En matière indemnitaire, la parité globale produit également des effets non négligeables pour les gendarmes, puisque les avancées dans ce domaine, consécutives aux négociations menées entre les syndicats de police et le ministre de l’Intérieur, sont systématiquement appliquées aux gendarmes."
Mais au budget de plus en plus serré
Conséquence des hausses indemnitaires, le budget des gendarmes est de plus en plus focalisé sur les dépenses salariales. Ainsi, la masse salariale représente 86% du budget des gendarmes en 2020, contre 81% en 2009. "Cette situation explique en partie l’augmentation de la masse salariale de 22,1% entre 2009 et 2019 mais ce sont essentiellement les mesures indemnitaires et statutaires de plusieurs protocoles et décisions ministérielles, entre 2015 et 2019, qui entraînent cette hausse, écrivent les magistrats. La Gendarmerie peine de plus en plus à concilier croissance des emplois et revalorisations salariales, avec des plafonds de crédits s’inscrivant dans une trajectoire de dépenses nécessairement moins dynamique." Résultat: un budget de plus en plus contraint, notamment en termes de logement. Alors que les besoins ont été évalués à 300 millions d’euros par an, les crédits consommés dans la dernière décennie sont en moyenne de 88 millions d’euros.
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Statut militaire
Sur la question de l’identité militaire des gendarmes, les magistrats financiers notent que ces derniers "continuent à exercer, certes dans une faible proportion (moins de 3% des effectifs sont concernés), des missions militaires". "L’identité militaire imprègne également les modalités de concertation, dans la mesure où elle interdit la constitution d’organisations syndicales et s’appuie sur le Conseil de la fonction militaire de la Gendarmerie", poursuivent les magistrats. La Cour des comptes remarque également que les gendarmes bénéficient de dispositions spécifiques, comme le logement par nécessité de service, "quand bien même ce caractère militaire tient aujourd’hui plus à leur organisation et leur mode de fonctionnement qu’à la participation effective à des actions militaires". Au sujet du statut militaire, la Cour des comptes note enfin qu’aller plus loin dans la déclinaison de la directive européenne sur le temps de travail "pourrait toutefois remettre en question la pertinence de son statut militaire".