7 100 hectares ravagés par le feu, deux personnes mortes et plusieurs blessés. Le bilan de l’incendie qui s’est déclaré le 16 août à Gonfaron, parti d’une aire d’autoroute de l’A57 dans le Var, est terrible. Alors que les pompiers luttaient toujours contre les flammes, 48 heures après le début de l’incendie, des gendarmes étaient déjà à pied d’œuvre pour déterminer l’origine du feu. Est-il accidentel, causé par une négligence ou volontaire? L’enquête, ouverte par le parquet de Draguignan, a été confiée à la cellule "Recherche des causes et circonstances d'incendies" (RCCI). Avec une procédure bien précise. "Tout d'abord, nous avons appris aux pompiers à geler la scène et autant que possible à ne pas l'altérer, pour avoir le plus de chances de collecter des indices exploitables", explique au JDD l’adjudant-chef Christophe, l’un des cinq gendarmes techniciens en identification criminelle membres de cette cellule. Pour expliquer la manière dont le feu s’est propagé, l’équipe enregistre également les constantes météo et recueille les témoignages des éventuels témoins présents au début de l’incendie.
Des gendarmes au sein de la cellule "Recherche des causes et circonstances incendies"
Créée en 2003 dans le Var et autrefois appelée "Vulcain", cette cellule est composée de 25 personnes : cinq gendarmes techniciens en identification criminelle, des membres de l’Office national des forêts (ONF) et de la Direction départementale des territoires et de la mer, et des sapeurs-pompiers. Parmi ces personnes, beaucoup ont suivi une formation spécifique à l’Ecole d’application de la sécurité civile de Valabre, dans les Bouches-du-Rhône. Cette cellule interprofessionnelle utilise une méthode développée en Amérique du Nord il y a plusieurs dizaines d’années. Dès qu’une enquête est ouverte, chacun, au sein de la cellule, utilise des compétentes qui lui sont propres. Par exemples, les gendarmes sont en charge de l’investigation, les agents de l’ONF apportent leur expertise sur la connaissance de la végétation, et les pompiers sur leur expérience du feu. Lors d'importants sinistres, ils peuvent être appuyés par des enquêteurs du département environnement-incendies-explosifs de l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN), basé à Pontoise.
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Délimiter la zone de départ du feu
Pour faire parler les cendres, la cellule "Recherche des causes et circonstances d'incendies" (RCCI) doit tout d’abord trouver l’endroit d'où le feu est parti. Pour cela, elle délimite une première zone de départ d’incendie qu’elle va ensuite restreindre. "Ce qui est typique d'une zone de départ de feu, c'est qu'elle n'a pas complètement brûlé, car il n'était pas intense. L'incendie s'est renforcé plus loin. Ensuite, on voit la propagation en regardant les végétaux. Quand le feu arrive sur un arbre, celui-ci est plus brûlé en sortie de feu, car les flammes forment un cône de chaleur de l'autre côté du tronc. Les enquêteurs regardent aussi la pétrification des végétaux", ajoute l’adjudant-chef. Pour cet incendie, la zone de départ de feu a été réduite de 2000 m² à 20 m².
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Une fois l’origine connue, cela devient une enquête classique
C’est à partir de cette zone que les recherches d’indices s’intensifient. "Ensuite, on cherche des petits indices avec une truelle et un pinceau, comme les archéologues", ajoute l’adjudant-chef Christophe. Les militaires recherchent alors des traces ADN ou des empreintes digitales sur les bouteilles, canettes ou restes d’engin incendiaires présents sur le lieu. Sur cet incendie de Gonfaron, le procureur de Draguignan a indiqué que l’origine du sinistre serait "humaine" et provoquée par un mégot de cigarette. Une fois l’origine du feu établi, "ça devient une enquête classique" ajoute le militaire. Par exemple, comme il s’agit d’une aire d’autoroute, les gendarmes vont récupérer les plaques d’immatriculation des véhicules passées au péage peu après l’incendie. Puis, ils croiseront ces données avec les numéros de téléphone portable qui ont borné un certain temps près de l’aire de repos.
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