Dans un arrêt du 20 octobre 2023, rendu public, le Conseil d'Etat a désavoué un général de la Gendarmerie nationale, détaché auprès du Secrétariat général du ministère de l'Intérieur, à Paris, qui voulait faire annuler sa suspension de fonctions après son placement en garde à vue au printemps 2023, dans le cadre d'une enquête menée par le Parquet national financier.
Selon nos informations, le général de division Xavier Lejeune, sous-directeur de la logistique et de l'approvisionnement au sein du Service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'Intérieur (SAILMI), voulait que le juge "enjoigne" au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin de le "réintégrer" dans ses fonctions sous "cinq jours", avec une astreinte de 100 euros par jour de retard, et que l'Etat lui verse 2.000 euros de frais d'avocat.
Perquisitions et garde à vue
L'horizon du général s'est assombri au moment de l'équinoxe de printemps, le 21 mars 2023. Ce jour-là, sur décision du Parquet national financier, le domicile et le bureau du général Lejeune font l'objet d'une perquisition. L'officier général est alors placé en garde à vue dans le cadre d'investigations pour des faits de "corruption, de prise illégale d'intérêt et de trafic d'influence".
S'agissant d'une enquête préliminaire, aucune poursuite n'avait alors était engagée à son encontre. Néanmoins, dès le lendemain de son placement en garde à vue, un arrêté du ministre de l'Intérieur signifiait au haut gradé de la Gendarmerie sa "suspension à titre conservatoire". Une mesure qui s'accompagne, entre autres, d'une privation du bénéfice de son régime indemnitaire et "notamment de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), qui correspond à un montant significatif de ses ressources de 3.736 euros mensuels".
Du tribunal administratif au Conseil d'Etat
Quelques jours plus tard, le 7 avril 2023, le général avait sollicité la justice administrative, en déposant une requête auprès du juge des référés, pour tenter de faire suspendre l'arrêté du ministre de l'Intérieur décidant de sa suspension à titre conservatoire. Plusieurs arguments étaient mis en avant par le requérant qui demandait: la suspension de l'arrêté ministériel précédemment évoqué, la réintégration dans ses fonctions sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le versement des sommes dont il a été privé en raison de sa suspension, et la somme de 2.000 euros au titre des frais d'avocat.
Mais le Tribunal administratif de Paris avait rejeté sa requête et botté en touche en renvoyant, dans sa décision du 26 avril 2023, vers le Conseil d'Etat. Saisi dans la foulée, le 28 avril, avec des demandes équivalentes, ce dernier vient de rendre public son arrêt, daté du 20 octobre 2023.
Après avoir rappelé les conditions légales permettant de suspendre un agent public, et la conformité de la décision "prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public" par le ministère de l'Intérieur, alors que "la poursuite des activités (du fonctionnaire incriminé) présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours", le juge administratif suprême a statué sur le bien-fondé de la décision, au cœur du litige qui oppose le général à l'administration. "Eu égard aux fonctions exercées par l'intéressé, à la nature des faits en cause et à l'ouverture de l'enquête préliminaire par le Parquet national financier, (…) les circonstances de l'espèce sont de nature (…) à justifier son éloignement du service" , estime le Conseil d'Etat.
La "gravité" des faits qui lui sont reprochés, leur "vraisemblance" et les "inconvénients que présentent le maintien de l'intéressé dans ses fonctions" ont ainsi été pris en compte, "alors même que l'ouverture de cette enquête n'avait pas, à la date de la décision contestée, été suivie de l'engagement de poursuites", soulignent les juges.
Une analyse qui a donc conduit le Conseil d'Etat à rejeter la requête du général Lejeune, qui voit ainsi sa suspension confirmée.
(L'Essor, avec GF/PressPepper)