Ce 9 novembre, l’ambiance est tendue entre gendarmes et élus à la salle de l’Agora, à Jaunay-Marigny, dans la Vienne. Et d’ailleurs, le patron des gendarmes du département, le général Sylvain Duret, n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. Il y a bien, admet-il, “une crise de confiance” avec les élus, rapporte le quotidien régional Centre-Presse.
L’objet du courroux des maires de ce département? La dissolution de brigades, des gendarmes en moins, ou encore la mise en place de la brigade de gestion des événements (également appelé dispositif de gestion des événements), ce système censé, grâce à un algorithme, optimiser la présence des gendarmes. Une innovation d’abord vue par les élus comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Dans une question écrite, le sénateur Bruno Belin (LR) avait déploré des “maires ignorés” par des gendarmes, ou des interventions à plus de 40 kilomètres. “Une demi-heure, c'est long, quand on doit gérer une noyade ou un suicide”, rappelle ainsi un maire dans Centre-Presse.
🔴 Toujours en phase d’expérimentation jusqu’en fin d’année, la très critiquée Brigade de gestion des événements (BGE) a été au cœur d’une rencontre entre 180 maires et les gendarmes de la Vienne
Posted by La Nouvelle République Vienne on Wednesday, November 10, 2021
Au coeur des nouvelles brigades de contact (reportage)
Retour en arrière possible
Face à la fronde des maires, le directeur général Christian Rodriguez a déjà lâché du mou dans une audition au Sénat, début octobre. Ainsi, si le dispositif de gestion des événements, qui doit permettre de diminuer le nombre de gendarmes de service la nuit pour les réaffecter en journée, doit être généralisé, “si on ne parvient pas à trouver le bon réglage, on reviendra à ce qui se faisait avant”.
Selon nos informations, c’est par exemple ce qui a été décidé dans le Vaucluse, avec la fin de l’expérimentation du dispositif de gestion des événements, jugé non concluant. Dans ce département, le compte n’y était pas. “Quand on mettait 45 minutes pour aller sur un accident, les pompiers étaient déjà partis, rapporte un gendarme du Vaucluse à L’Essor. Et quand on vous signale un rôdeur, si vous arrivez 30 minutes plus tard il n’y a plus personne.”
Sur le papier, le dispositif de gestion des événements semble pourtant très prometteur. Il s’agit de mutualiser la prise en compte des interventions en créant des patrouilles, appelées brigades de gestion des événements. Celles-ci interviennent pour des opérations de type police-secours en dehors des limites de circonscription des brigades. Ce qui doit permettre de dégager du temps aux autres gendarmes pour aller voir par exemple la population.
Ainsi, en Isère, un des deux groupements bêta-testeur, la mise en place du logiciel a permis de gagner l’équivalent de quarante gendarmes chaque jour sur le terrain, selon la direction générale. Concrètement, le chef d’unité planifie ces patrouilles en fixant un objectif, en pourcentage, du nombre d’interventions à réaliser (par exemple 99%) et du périmètre à couvrir, sur la base de l’historique des interventions effectuées les années précédentes.
Trois innovations qui vont intéresser les gendarmes
Réforme contestée
Mais sur le terrain, la réforme fait grincer des dents. Si les gendarmes restent discrets, ils ont fait remonter aux élus leurs remarques. “Dans ma circonscription de montagne, ce qui semble être une échelle pertinente au niveau national ne l’est pas avec quatre vallées et des petites routes”, avait ainsi observé la députée du Rhône Nathalie Serre (LR). Une autre organisation sera mise en place en Rhône-Alpes ou dans les zones alpines, “car il faut pouvoir répondre dans les temps aux appels d’urgence”, lui avait alors répondu le député de la majorité Christophe Lejeune.
Selon un cadre de l'association professionnelle GendXXI, plusieurs départements auraient largement revu à la baisse le dispositif: uniquement de nuit, hors des périodes estivales ou le week-end seulement, les territoires les plus vastes étant les plus compliqués.
“Cela peut très bien être fonctionnel dans certains groupements”, assure le gendarme du Vaucluse interrogé par L’Essor. Mais “avec la brigade de gestion des événements, nous nous sommes vite rendu compte que les petites unités intervenaient au profit des grosses. Sauf qu’on préfère se lever la nuit pour intervenir sur le secteur que l’on connaît!”.
C’est une journée à regarder la télé sous un plaid, mais non y a BGE.
— C. 🦊 (@AMBEGNATOS) November 14, 2021
Un retour en arrière “dommage”
Va-t-on pour autant vers un abandon au cas par cas du dispositif de gestion des événements dans les départements où ça coince? Le directeur général a certes assuré qu’un retour en arrière était possible, tout en estimant, dans une interview à La Gazette des communes, que ce serait “dommage”.
Au Sénat, Christian Rodriguez avait admis qu’il “peut être très compliqué de trouver le bon réglage. Cela patine dans certains endroits, mais fonctionne très bien dans d'autres. Ce n'est pas lié aux compétences: aucun territoire ne se ressemble.”
Mais, alternant le chaud et le froid, il avait également remarqué que certains gendarmes étaient “perturbés” par cette réforme et allaient s’en plaindre auprès des maires. “On a aussi parfois des gradés supérieurs qui trouvent préférable de rester dans la brigade pour suivre les procédures plutôt que d'aller sur le terrain et contrôler l'activité des jeunes gendarmes”, regrettait-il.