L’immobilier n’est pas le seul domaine en souffrance au sein de la Gendarmerie. Les perspectives de renouvellement du parc automobile de l’Institution ne sont pas non plus au beau fixe. Le point d’attention, tout d’abord évoqué par le major général André Petillot en octobre, a été confirmé il y a quelques jours par le nouveau directeur général de l’Arme, Hubert Bonneau, lors d’une audition au Sénat. Et alors que la Gendarmerie, comme l’ensemble des services publics, doit contribuer au « redressement des comptes publics », les projections du budget 2025 ne s’annoncent pas sous de meilleurs auspices.
Après avoir bénéficié du plan de relance de l’Etat entre 2021 et 2022, l’évolution du parc de véhicules de la Gendarmerie – qui faisait alors déjà face à des besoins criants – est de nouveau presque à l’arrêt. Auditionné le 13 novembre 2024 par les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense et des forces armées, dans le cadre de la préparation du Budget 2025, le général Bonneau n’a d’ailleurs pas caché son inquiétude. N’hésitant pas à marquer des pauses dans ses déclarations et à répéter certains constats devant les sénateurs pour marquer le sérieux de la situation.
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5% de la cible annuelle de renouvellement en 2024
« Les enveloppes consacrées aux équipements et aux moyens mobiles permettront un maintien en condition et un renouvellement a minima… (a minima!) des matériels », a insisté le nouveau DGGN. Le budget prévisionnel, et donc pas encore adopté, permettrait ainsi de renouvellement de 1.850 véhicules légers pour 2025. Malgré tout bien loin de « la cible », selon le général Bonneau. « Pour que le maintien en condition opérationnelle du parc automobile se fasse en Gendarmerie, il serait nécessaire d’avoir, par an, 3.750 véhicules. »
Pire. Au regard de cette cible annuelle, les chiffres avancés par le général Bonneau pour l’année 2024 ont de quoi interroger. Fin décembre, l’Arme aura en effet bénéficié de seulement 185 nouveaux véhicules légers. Soit à peine 5% de ce qu’il lui faudrait pour fonctionner de manière optimale ! Autant dire, comme l’a fait remarquer le DGGN aux sénateurs, que l’« on est un peu loin du compte ».
D’ailleurs, d’après les documents budgétaires disponibles publiquement, 2024 n’est pas la première année de vaches maigres. Le bilan de l’année 2023 indique l’acquisition réelle de 425 véhicules opérationnels, dont 99 véhicules de maintien de l’ordre. Cela alors que le plan de renouvellement automobile 2023 prévoyait l’acquisition de 2.000 véhicules au total.
À titre de comparaison, le renouvellement effectif de la flotte de véhicules légers de l’Arme s’élevait à environ 3.700 unités en 2021 et 3.300 en 2022. Des résultats alors boostés par la relance de l’économie suite à la pandémie de Covid-19.
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Des prix parfois doublés
Ces perspectives maussades ne sont pas la seule mauvaise nouvelle pour le parc automobile de la Gendarmerie, tout comme celui des autres institutions. De fait, outre le budget, le faible nombre de nouveaux véhicules pouvant être achetés résulte aussi de deux facteurs aggravants.
Tout d’abord celui du prix unitaire des véhicules, bien plus élevé qu’il y a quelques années. Lors de son audition devant les députés de la commission de la Défense nationale, fin octobre, le général Petillot indiquait ainsi qu’« un véhicule acheté 23.000 euros en 2020 coûtera 45.000 euros en 2025 ». Un quasi doublement des coûts expliqué notamment en partie par l’inflation, mais aussi parfois par des avancées technologiques sur les modèles sélectionnés. Ces derniers sont généralement plus performants, soit en terme environnemental avec des motorisations plus récentes, soit du point de vue opérationnel avec une plus grande capacité d’emport (personnels, matériels) ou de mobilité (davantage adaptés aux secteurs ruraux que des berlines ou des citadines).
Le second facteur aggravant n’est pas directement inhérent aux constructeurs cette fois. Il concerne l’Etat lui-même. De fait, certains véhicules sélectionnés pour équiper les gendarmes souffrent d’importants malus. Notamment pour les véhicules spécialisés les plus lourds. « Le malus écologique alourdit considérablement leur coût d’acquisition, atteignant parfois 100.000 euros par véhicule, ce qui dépasse nos capacités budgétaires », expliquait le général Petillot. « Par exemple, pour intervenir sur les pistes en Guyane, nous avons besoin de véhicules 4×4 qui sont soumis à ce malus. »
Double peine
Un bâton dans les roues et une double peine dont les gendarmes aimeraient s’exonérer. Au minimum pour les véhicules indispensables aux missions des gendarmes, « et pour lesquels une alternative écologique n’est pas disponible ». C’est d’ailleurs en ce sens qu’a plaidé le général Petillot, prenant l’exemple de certains véhicules de sapeurs-pompiers qui bénéficient d’une telle exonération. « Cela nous permettrait d’acquérir davantage de véhicules avec le même budget », avait conclu le major général.
Même si l’effort budgétaire « réamorce le processus », il reste donc insuffisant. Et à ce rythme, il est peu probable que l’objectif fixé (et approuvé par les parlementaires) lors du Beauvau de la sécurité et dans la Loi d‘orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) soit atteint. La Lopmi prévoyait ainsi l’achat de près de 3.700 véhicules neufs chaque année. Soit le renouvellement d’environ 10% du parc auto jusqu’en 2027.
LP
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