Dans un courrier daté du mardi 2 mai 2023, révélé par le magazine Têtu, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a proposé à son homologue des Armées, Sébastien Lecornu, de mettre fin à un dispositif jugé discriminatoire à l'embauche qui excluait d'office les personnes séropositives de la Gendarmerie et des corps militaires des sapeurs-pompiers.
"Les critères médicaux d'aptitude à l'intégration au sein de la Gendarmerie nationale ou des corps militaires de sapeurs-pompiers (à Paris et Marseille, ndlr) ne permettent pas aujourd'hui aux personnes séropositives d'accéder à ces professions, écrit ainsi le ministre de l'Intérieur. Cet état de fait lié au statut militaire et aux contraintes qu'il impose, semble devoir évoluer", ajoute M. Darmanin.
Le ministre dit souhaiter que le ministère des Armées lance "très rapidement (…) les travaux qui permettront de réaliser ces recrutements à très brève échéance", demandant au ministre des Armées, dont il est proche, un "retour rapide".
Une restriction déjà levée pour le recrutement des policiers
Cette démarche s'inscrit dans une action portée de longue date par plusieurs associations luttant contre l’homophobie, la transphobie et la sérophobie. Elle avait connu une avancée majeure, suite à un recours déposé fin 2020 devant le Conseil d'Etat. Quelques mois plus tard, le gouvernement avait fini par abroger par décret l'application du "Sigycop", un dispositif d'évaluation de l'aptitude physique utilisé dans plusieurs métiers de la fonction publique. Appliquée strictement, cette évaluation, basée sur une cotation de 1 à 6, classait ainsi comme inaptes les personnes séropositives.
Alors qu'il s'y opposait sur le fond, le ministère de l'Intérieur a tout simplement abrogé à son tour l'utilisation du Sigycop début décembre 2022, pour le recrutement des policiers, autorisant de fait l'embauche de personnes vivant avec le VIH, le virus responsable du sida. En toute logique, cette décision aurait pu s'étendre aux gendarmes. Mais, du fait de leur état de militaires, leur aptitude médicale est toujours décidée par le Service de santé des armées (SSA). Or, jusqu'à présent, le ministère des Armées, dont dépend le SSA, s'était toujours refusé à modifier le "Sigycop".
Lors d'une audience début 2023 devant le Conseil d'Etat, dans le cadre d'un recours déposé fin 2020 par sept organisations LGBT+, les magistrats "laissaient sous-entendre par leurs questions qu'il y avait bien une discrimination", selon leur avocat Me Etienne Deshoulières. "Les représentants des ministères l'ont senti, je pense", ajoute-t-il. La décision du ministre des Armées pourrait donc tomber avant celle du Conseil d'Etat, qui ne devrait pas intervenir avant l'été, selon Me Deshoulières.
Les dernières études scientifiques ont démontré que les personnes séropositives bénéficiant de traitements antirétroviraux ont une charge virale indétectable et ne transmettent pas le VIH.
Après les policiers, vers une redéfinition de l’aptitude médicale des gendarmes?
Après le VIH, d'autres pathologies concernées ?
En 2021, une loi avait été adoptée afin de stopper la discrimination à l'embauche des personnes atteintes par des maladies chroniques. La Défenseure des droits avait auparavant pointé du doigt le système de recrutement, notamment dans la Gendarmerie, qui rendait impossible l'accès à l'engagement de personnes souffrant de maladies chroniques, mais qui pouvaient mener une vie quasi normale grâce à leurs traitements. De fait, le rapport indiquait que "la jurisprudence administrative exige que l’appréciation soit portée de manière concrète, en tenant compte du traitement et de son effet.”
Ainsi, alors que certaines pathologies interdisaient jusqu'à présent l'accès à l'engagement militaire avec une inaptitude d'office, celles qui bénéficient d'un traitement ou d'une compensation du handicap doivent dorénavant être réévaluées de manière individuelles. L'inaptitude n'est donc en principe plus jugée automatiquement, mais au cas par cas, en fonction des solutions existantes.
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