Comment la Gendarmerie, prise pour cible, compte sécuriser ses casernes

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14 juillet 2021 | Vie des personnels

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Comment la Gendarmerie, prise pour cible, compte sécuriser ses casernes

par | Vie des personnels

Limoges, Grenoble puis Meylan (Isère) : depuis quelques semaines, une série d’incendies criminels frappe la Gendarmerie. A la mi-septembre, ce sont cinq véhicules qui brûlent à Limoges, en Nouvelle-Aquitaine. Puis plusieurs dizaines, une semaine plus tard, dans le garage du groupement de l’Isère, dans la région voisine d’Auvergne-Rhône-Alpes. Enfin, toujours dans le même département, la caserne de Meylan est elle aussi visée par un incendie volontaire, le 25 octobre. Un feu qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques si des gendarmes logeant à proximité du parking visé n’avaient pas été réveillés au milieu de la nuit par l’odeur de l’incendie, permettant l’évacuation de leurs familles.

« C’est clairement les bâtiments des familles qui ont été visés, car les véhicules incendiés étaient banalisés, civils, et appartenaient aux familles, souligne Yves Marzin, le commandement du groupement de Gendarmerie de l’Isère, au micro de France bleu. C’est un nouveau cap qui est franchi : on s’attaque directement aux familles. »

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Un effort budgétaire de cinq millions d’euros

Ces trois attaques – des « attentats » pour le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb – posent crûment la question de la sécurité des casernes. L’interrogation n’est pas nouvelle : le budget pour l’année 2018, élaboré avant cette vague d’incendies, prévoyait déjà un effort budgétaire de cinq millions d’euros pour la sécurisation des casernes.

« Dans ces crédits de la Gendarmerie, la sécurité des casernes est effectivement à l’ordre du jour, rappelle, ce mardi 31 octobre, le ministre de l’Intérieur. 

 

Pour le moment, les trois attaques de casernes n’ont pas entraîné une réforme de ce plan. La Gendarmerie reste discrète à ce sujet pour préserver l’efficacité de ses dispositifs de sécurité. Elle a rappelé, après chaque incendie, ses consignes de vigilance auprès des commandants locaux. Et elle prête une attention au renforcement des capacités de sécurité passive et active. « S’il faut déplacer des lignes budgétaires, nous le ferons », précise à L’Essor un haut gradé.

Car les crédits dédiés à la sécurisation des casernes, salués il y a quelques semaines, semblent aujourd’hui bien insuffisante pour les associations de gendarmes. « Nous ne pouvons que saluer ces cinq millions d’euros, mais cela ne représente qu’environ 1.200 euros par caserne », calcule Frédéric Le Louette, le président de l’association professionnelle nationale de militaires GendXXI. « Cinq millions d’euros dédiés à la sécurité des casernes, c’est toujours mieux que rien, abonde Thierry Guerrero, le président de l’APNM Gendarmes et citoyens.

Caméra de vidéosurveillance (Photo d'illustration S.D L'Essor).

Les associations demandent donc un effort. Pour GendXXI, cela passe par des moyens de sécurité passive supplémentaires tels que des caméras de vidéosurveillance et des systèmes d’alarmes, ou encore par la création d’une application dans NeoGend pour alerter les gendarmes en cas d’incident dans une caserne. Gendarmes et citoyens appelle de son côté à une plus grande sensibilisation des familles au problème de la sécurité.

Des inquiétudes des familles

Et il y a beaucoup à faire. Des sites supposés être sécurisés, comme le plateau de Satory, dans les Yvelines, ne sont pas des exemples. Ce quartier rassemble le Groupement blindé de gendarmerie mobile, le GIGN, des unités de l’armée de Terre et des entreprises en lien avec La Défense. En plus de l’état délabré des logements des gendarmes, les familles des militaires font face à des vols dans les casernes. En septembre, une jeune femme d’un gendarme mobile logée à Satory nous confiait son inquiétude.

« Nous ne sommes pas en sécurité à Satory, expliquait-elle. La dernière fois, nous avons eu des caves qui ont été pillées, avec des vols de vélos. »

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Mais ce ne sont pas les vols qui inquiètent le plus. L’enveloppe de cinq millions d’euros dédiée à la sécurité des casernes arrive après un premier plan d’urgence d’un million d’euros pour sécuriser 205 emprises. L’an dernier, après l’assassinat à Magnanville (Yvelines) d’un policier et de sa compagne à leur domicile, la direction générale prend en effet en urgence une série de mesures.

La menace djihadiste

La hiérarchie prévoit ainsi la mise à jour des travaux urgents de protection et leurs financements, l’application stricte des mesures sur la sécurité des armes de service qui sont conservées dans des locaux ad hoc, la mise à disposition des matériels pour garantir une riposte rapide en cas d’attaque d’une caserne. Des actions nécessaires face à la prégnance de la menace : plusieurs casernes de l’ouest de la France auraient ainsi été récemment photographiées, selon un gendarme, par des individus proches de la mouvance djihadiste.

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Il y a donc urgence. « Avec la menace actuelle, il ne faut pas attendre dix ans » avant de prendre des mesures de sécurisation des casernes supplémentaires, insiste Frédéric Le Louette. Au risque, pour la Gendarmerie, de perdre une partie de sa culture d’ouverture. « Les casernes se bunkerisent petit à petit avec une perte de proximité », souligne un général. « Nous ne pouvons pas mettre des barbelés partout alors que des familles vivent dans ces casernes », note également Thierry Guerrero. Un délicat mais crucial équilibre à trouver à l’avenir.

Gabriel THIERRY avec Matthieu GUYOT.

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