Vladimir Poutine peut-il être considéré comme un criminel de guerre ?
Oui, car il fait tirer sur des immeubles où logent des populations civiles, comme à Marioupol (ndlr : ville stratégique et portuaire d'Ukraine bombardée depuis un mois par les forces russes, causant la mort de plusieurs centaines de civils). Vladimir Poutine a assuré que le bataillon ukrainien Azov se protégeait derrière les populations civiles pour justifier ses actions meurtrières. Compte tenu des capacités de renseignement dont disposent les Etats en général, il est difficile de méconnaitre la présence de populations civiles, lesquelles sont protégées par les différentes conventions comme celles de Genève.
Comment peut-on conduire aujourd'hui Vladimir devant le tribunal de La Haye ?
ll y a une première possibilité qui sera assez longue, c'est celle déclenchée le 2 mars par la Cour pénale internationale qui a ouvert une enquête sur la situation en Ukraine. En théorie, Vladimir Poutine pourrait être jugé par la CPI. En pratique, cela va être compliqué parce qu'il faudrait qu'il puisse être arrêté sur le territoire d'un pays qui a ratifié le statut de Rome. Il est évident qu'il ne va pas se déplacer.
Après il peut se passer plein de choses : il peut tomber malade, il peut être renversé. Si il est renversé et que dans dix ans, ceux qui arrivent au pouvoir décident de le remettre aux autorités de la CPI, il y aura alors une remise de Vladimir Poutine au tribunal. Dans la pratique, cela peut être compliqué, on le voit bien avec le président syrien Bachar al-Assad.
Par ailleurs, la procédure pour crimes de guerre ne concerne pas que Vladimir Poutine mais aussi toute la chaine hiérarchique : le ministre de la Défense, tous les chefs de régiments, tous ceux qui sont engagés, tous ceux qui financent et cela peut aller loin puisqu'il y a complicité de crimes de guerre.
Une autre procédure est-elle possible?
La seconde possibilité, c'est celle du crime d'agression (*). Mais dans ce cas, il faudrait que les deux Etats (Ukraine et Russie) soient parties au Statut de Rome, ce qui n'est pas le cas. Il y aurait alors la possibilité que le Conseil de sécurité des Nations unies décide de lancer une enquête pour crime d'agression mais l'on va forcément se heurter au droit de veto de la Russie. On voit donc bien les limites du système.
On avait déjà touché ces limites avec la problématique syrienne puisque la Syrie n'était pas un Etat partie du Statut de Rome, il aurait fallu, pour qu'une enquête soit ouverte, que le Conseil de sécurité la déclenche. Or, la Russie et la Chine ont fait valoir leur droit de veto. Actuellement, il y a la volonté de différents Etats de contourner le Conseil de sécurité en utilisant l'Assemblée générale pour que celle-ci puisse déclencher cette enquête pour crimes d'agression. Dans ce cas, c'est le chef de l'Etat qui est personnellement incriminé.
Les Etats ont mis dix ans a s'entendre sur les crimes d'agression avec le protocole de Kampala de 2018 qui activait les compétences de la CPI sur les crimes d'agression. Une procédure qui n'a jamais été employée et qui serait beaucoup plus rapide. Il y a actuellement des tractations diplomatiques pour aller dans ce sens.
Comment cette situation peut-elle évoluer?
Je n'ai pas de boule de cristal et je ne sais pas comment les choses vont évoluer d'ici dix ou quinze ans. Si ça se trouve, il peut avoir une modification importante du paysage politique en Russie. L'important c'est de se donner les moyens d'être prêt au moment où il faudra l'être.
Souvent, les gens tombent malades, il faut qu'ils se fassent soigner en général dans des pays qui ont un bon niveau médical. C'est comme cela que Félicien Kabuga, le financier présumé du génocide au Rwanda s'est fait repérer en France et arrêter en mai 2020 par les gendarmes de l'OCLCH.
Pierre-Marie GIRAUD
(*) Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 États, définit quatre crimes internationaux sur lesquels la CPI a aujourd'hui un pouvoir juridictionnel : génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité, crimes d'agression.
Les crimes de guerre visent les cas où l'un des belligérants s'en prend volontairement à des objectifs non militaires, aussi bien humains que matériels (civils, prisonniers de guerre et blessés, et villes n'abritant pas de troupes ou d'installations militaires).