Trafic de déchets : un maire et des Hells Angels en garde à vue

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6 décembre 2024 | Société

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Trafic de déchets : un maire et des Hells Angels en garde à vue

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Dans une vaste enquête sur l'enfouissement illégal de déchets, douze personnes dont le maire de Nogent-sur-Oise et des membres des Hells Angels ont été interpellées mardi lors d'une opération menée notamment par les gendarmes de l'Oclaesp dans plusieurs départements français.

Des camions chargés de déchets enfouis illégalement, un maire soupçonné de délivrer de faux permis et des motards des Hells Angels: douze personnes sont en garde à vue dans une enquête sur un trafic de déchets, a appris l’AFP de sources proches du dossier. Les interpellations ont eu lieu mardi 3 décembre 2024 en Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, dans le Val-d’Oise, la Somme et l’Oise ont précisé ces sources. Les enquêteurs ont ainsi occasion saisi plusieurs motos.

Selon plusieurs sources, Jean-François Dardenne, le maire sans étiquette de Nogent-sur-Oise (Oise) fait partie des suspects. Les enquêteurs l’ont interpellé vers 06h30 à son domicile, a déclaré à l’AFP une source proche de la mairie. Ils ont alors perquisitionné son domicile et la mairie, a-t-on ajouté de même source.

Une société de BTP qui employait des Hells Angels

Au coeur de l’enquête: une société de BTP qui employait des membres des Hells Angels. Les enquêteurs les soupçonnent de se livrer à de « l’enfouissement illégal de déchets ». Ils agiraient « sous couvert de permis d’aménager délivrés par des autorités locales », a précisé une source proche du dossier. Les enquêteurs ont ainsi constaté de « nombreuses allées et venues de camions chaque jour » sur un site de Nogent-sur-Oise, arrivant « chargés de divers déchets, végétaux, béton, pylônes, gravats, cailloux », a détaillé à l’AFP le parquet de Paris. Ces déchets, « non pesés, étaient repoussés dans une zone du site préalablement creusée » et les camions repartaient « ensuite à vide ou chargés de calcaire », a encore dit le parquet.

« Il y a un an à peu près », le maire « avait passé un accord » avec des sociétés de la région parisienne pour qu’elles puissent enfouir des « déchets inertes », provenant de chantiers du bâtiment, dans un grand trou situé au milieu de carrières de pierre sur le territoire de la commune, a affirmé à l’AFP une personne siégeant dans l’opposition au conseil municipal de Nogent-sur-Oise. « On n’avait pas plus d’éléments, on s’était opposé à cette décision car on était inquiet de la nature de ces déchets. Mais on n’en avait plus entendu parler par la suite », a pointé cette source politique locale. 

Soupçons de criminalité organisée

Le pôle régional de l’environnement du tribunal de Paris a ouvert les investigations. Ils les a confiées aux gendarmes de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) et aux policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). Elles portent sur une période allant d’août 2021 à juillet 2024, a précisé le parquet. Après une phase d’enquête préliminaire, une information judiciaire dirigée par la Juridiction spécialisée contre la criminalité organisée (Jirs) de Paris a été ouverte en juillet 2024 sur de nombreux chefs de poursuites.

L’enquête porte ainsi sur plusieurs infractions dans le domaine de l’environnement: défrichement illicite de bois et forêt, abandon ou dépôt illégal de déchets par leur producteur ou leur détenteur en bande organisée ou encore l’exploitation de carrières sans autorisation ou d’une installation classée pour la protection de l’environnement sans autorisation. Le tout en bande organisée. Le chef d’abandon ou dépôt illégal de déchets par leur producteur ou leur détenteur, en bande organisée, fait encourir huit ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende. L’affaire contient également un volet blanchiment, faisant lui encourir cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende. Pour ces infractions, les gardes à vue peuvent durer jusqu’à 48 heures.

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Le maire se défend

Jean-François Dardenne a toutefois assuré dans un communiqué avoir agi « en toute légalité » et « dans le plein respect des procédures administratives, dans la délivrance des autorisations nécessaires à l’avancée du projet de la ville, sur les parcelles qui lui appartiennent ».  Selon lui, « la finalité du projet consiste, outre la régulation des eaux de pluie ruisselantes, à augmenter la surface et le nombre de jardins familiaux dans le secteur et à installer sur le coteau, des vignes en espaliers ».

Alors que la société au cœur de l’enquête embauchait des membres d’un club de motards affilié aux Hells Angels, il a nié être un « biker », affirmant ne pas posséder de permis moto.

Un secteur lucratif

« L’enfouissement des déchets est un vrai sujet de santé publique », a précisé à l’AFP l’une des sources proches du dossier. « Il faut savoir ce qui est enfoui dans les sols, est-ce que les déchets ont été retraités ou non? »

Le retraitement des déchets représente un coût élevé. Des groupes de la criminalité organisée ont donc investi ce secteur, ont expliqué des enquêteurs spécialisés à l’AFP. Ils évoquent des dossiers où les « déchets circulent entre la France, la Belgique ou l’Espagne ». Dans ce trafic, « les élus sont des cibles privilégiées », relève une magistrate en région parisienne.

Des branches de Hells Angels dans une cinquantaine de pays

En 1948, en Californie, des motards passionnés de Harley Davidson ont fondé le groupe des Hells Angels. Il compte aujourd’hui des branches dans une cinquantaine de pays. Ils seraient une centaine en France répartis dans des « chapitres », des petits groupes. Plusieurs États accusent les Hells Angels de participer à la criminalité organisée.

Par Tiphaine LE LIBOUX, Sylvie MALIGORNE, Clara WRIGHT (AFP)

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