<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Suspecté d’avoir tué une femme en Loire-Atlantique en 2018, un homme placé en détention provisoire après un nouvel appel à témoins

Photo : A l'issue de sa garde à vue, le jeune homme a été placé en détention provisoire. (Photo d'illustration: LP/L'Essor)

24 juin 2023 | Société

Temps de lecture : 4 minutes

Suspecté d’avoir tué une femme en Loire-Atlantique en 2018, un homme placé en détention provisoire après un nouvel appel à témoins

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Même plusieurs années après, les appels à témoins largement relayés peuvent être efficaces. C'est la leçon que l'on retient de ce rebondissement inattendu dans une affaire d'homicide routier qui date de décembre 2018. Jeudi 22 juin 2022, quelques jours après la diffusion, par la chaîne M6, de l'émission "Appel à Témoins", un jeune homme a […]

Même plusieurs années après, les appels à témoins largement relayés peuvent être efficaces. C'est la leçon que l'on retient de ce rebondissement inattendu dans une affaire d'homicide routier qui date de décembre 2018.

Jeudi 22 juin 2022, quelques jours après la diffusion, par la chaîne M6, de l'émission "Appel à Témoins", un jeune homme a été placé en détention provisoire suite à de nouveaux témoignages portés à l'attention des enquêteurs de la Gendarmerie. Une décision conforme à la réquisition du Parquet de Nantes pour celui qui est suspecté d'avoir pris la fuite après avoir tué Tessa Raimbault, sur la route du Soleil-Levant, à Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique), le 20 décembre 2018.

Les gendarmes ont en fait été appelés par une personne qui avait reçu les "confidences" du jeune homme, alors qu'il était "alcoolisé". Ces "confidences" ont été recueillies "sur deux jours différents, éloignés l'un de l'autre", a précisé le jeudi 22 juin 2023 le procureur de la République de Nantes Renaud Gaudeul. C'est semble-t-il l'émission "Appel à Témoins", diffusée sur M6 le 12 juin 2023, qui a été l'élément déclencheur. "C'est la première fois que j'ai un dossier où, après des années d'enquête et des milliers d'actes de procédure, une émission de télévision sert d'élément déclencheur et de bascule", a confessé le magistrat lors d'une conférence de presse.

Cet intérimaire dans une entreprise de travaux publics de Montoir-de-Bretagne –qui travaillait à l'époque dans l'entreprise de son père "à quelques centaines de mètres" de l'accident– avait déjà été entendu comme simple témoin au début de l'enquête, mais aucune charge n'avait été retenue contre lui à l'époque, faute d'éléments pour l'incriminer.

Une enquête complexe et qui piétine

Confiée initialement à la brigade territoriale de gendarmerie du Loroux-Bottereau (Loire-Atlantique), l'enquête avait été attribuée quelques jours plus tard à la brigade de recherches (BR) de Rezé, en raison de sa "complexité", a commencé par rappeler le magistrat.

Pendant plus de quatre ans, leurs investigations étaient demeurées vaines en dépit d'une enquête de voisinage faite "de manière très étendue" autour du lieu de l'accident. Les appels à témoins, lancés successivement par les autorités judiciaires et la famille avaient connu le même sort, tout comme l'examen des images de vidéosurveillance des alentours.

De "nombreux" contrôles routiers avaient aussi été faits "pour analyser les flux de circulation" dans "les jours qui avaient suivi". Mais ils n'avaient pas non plus permis de faire avancer les investigations. Les seules "constatations sur place" avaient simplement fait apparaître comme "fil conducteur" le fait que le drame avait été provoqué par un "engin de chantier".

Dans ce contexte, "55 titulaires de permis de construire", "25 entreprises de travaux publics", "69 paysagistes" et "89 exploitations agricoles" avaient fait l'objet d'analyses "plus approfondies". Une "brindille de conifère", inhabituelle à Saint-Julien-de-Concelles, avait même été analysée par le Conservatoire botanique national de Brest (Finistère) et avait donné lieu à des investigations "plus poussées" auprès de "11 habitations" situées "en amont" du lieu du drame.

Les quatre pistes de l’Anacrim du futur

"Pour autant, pas une seule personne n'avait été entendue comme mise en cause, et encore moins en garde à vue", a rappelé le procureur de la République de Nantes. Seules dix personnes avaient fait l'objet de "vérifications plus approfondies", mais avaient été mises hors de cause avant même de devoir être soumises à une garde à vue.

Une enquête avec le logiciel AnaCrim (pour "analyse criminelle") avait même été lancée fin 2022 "en désespoir de cause", pour repérer d'éventuelle "discordances" dans les pièces du dossier. Le dossier était alors "en cours d'analyse" par le bureau de suivi des enquêtes du parquet de Nantes pour un "ultime examen" avant d'un "assez vraisemblable" classement sans suites. Le parquet a alors appris que l'émission "Appel à Témoins" allait évoquer le cas de Tessa Raimbault…

Confidences sur fond d'alcool

"Pour être très franc, j'avais assez peu d'espoir : tous les proches des lieux de l'accident avaient nécessairement été destinataires des appels à témoins", a confié le procureur de la République de Nantes lors de sa conférence de presse. Mais deux jours après l'émission, une personne avait contacté la Gendarmerie pour "dire qu'elle avait des choses à déclarer" après avoir été "très touchée" par le témoignage de la mère de Tessa. Un "ami" lui avait dit "à deux reprises" être "l'auteur de l'homicide involontaire", alors qu'il avait "consommé de l'alcool", "plusieurs mois auparavant".

Pendant les trente-six premières heures de sa garde à vue, le jeune homme avait d'abord "contesté" toute implication dans l'accident. Mais il est finalement passé aux aveux et a été mis en examen pour "homicide involontaire aggravé" par le fait qu'il a pris la fuite. Pour ces faits, il encourt théoriquement jusqu'à sept ans d'emprisonnement. À l'époque inconnu de la Justice, il a été impliqué entre-temps dans un accident de la route où il était sous l'emprise de l'alcool. Il était toutefois seul en cause, cette fois-ci.

"Sa place n'est pas en détention, il n'y a pas de risque de fuite", avait insisté son avocat lors de l'audience publique devant le juge des libertés et de la détention (JLD), jeudi 22 juin 2023. Celui-ci était plutôt partisan d'un contrôle judiciaire "extrêmement strict", assorti d'une interdiction de conduire tout véhicule à moteur, de paraître sur Saint-Julien-de-Concelles ou encore d'une obligation de suivre des soins. "Je ferai ce que vous me demanderez de faire", avait appuyé son client, vêtu d'un jean et d'un T-shirt noir. "Mon casier judiciaire est vierge, et lors de mon accident de décembre 2022 j'étais seul en cause… Je ne veux pas aller en détention."

Le risque de récidive et "velléités suicidaires"

Mais le risque de récidive "ne peut être écarté" en raison de sa "problématique alcoolique", et cela même s'il a déjà suivi "une cure de sevrage" et qu'il "ne dispose plus de véhicule", lui a rappelé le JLD pour justifier son incarcération. Une "fuite de ses responsabilités" n'est pas non plus à exclure au vu du "temps très long" durant lequel il s'est tu sur la mort de l'adolescente de 17 ans. Le procureur de la République avait d'ailleurs dit que les deux "se connaissaient".

Son placement en détention provisoire est aussi de nature à le "protéger" lui-même en raison de ses "velléités suicidaires". La "charge psychique" qui pèse sur lui depuis quatre ans et demi "ne peut qu'être majorée" au vu de la révélation "au grand jour" de ces faits – notamment auprès de son cercle familial.

"Faites attention à vous", a ainsi lancé le juge des libertés et de la détention au jeune homme avant qu'il ne soit conduit en détention "dans un premier temps" et pour le seul temps "strictement nécessaire" à l'enquête.

Avec GF (PressPepper)

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