Confronté à sa première épreuve du feu avec la polémique sur la remise en liberté du tueur de Marseille, Gérard Collomb a, en débarquant le préfet du Rhône, ostensiblement marqué son autorité au poste surexposé de ministre de l’Intérieur, où ses débuts ont parfois dérouté.
Survenus à la préfecture de région, dans son fief de Lyon, les “graves dysfonctionnements” pointés par l’enquête administrative avaient abouti le 30 septembre à la remise en liberté d’un Tunisien en situation irrégulière, qui le lendemain avait tué deux cousines à la gare de Marseille.
“On ne pouvait pas laisser passer un tel rapport sans acte fort“, insiste l’entourage du ministre de l’Intérieur dix jours après cette attaque, revendiquée par l’Etat islamique (EI) même si aucun lien de l’assaillant avec le groupe jihadiste n’a pour l’heure été établi par les enquêteurs.
“Personnellement profondément touché” par le drame, Gérard Collomb a donc choisi mardi de débarquer le préfet du Rhône, tout en annonçant des mesures pour améliorer l’éloignement des étrangers en situation irrégulière dans le Rhône comme partout en France.
Ce limogeage a été officialisé mercredi en Conseil des ministres: le préfet Henri-Michel Comet a été remplacé par Stéphane Bouillon, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca).
L’opposition n’a pas tardé à voir dans l’éviction du préfet Comet une “victime expiatoire“, selon les termes de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour le favori de la course à la présidence des Républicains, “on fait sauter un préfet pour éviter qu’un ministre assume“.
En pleine adoption du projet de loi antiterroriste à l’Assemblée, Eric Ciotti (LR) a fustigé une décision “injuste et lâche“. “Limogeage +fusible+“, a de son côté jugé le PS.
La décision “a été prise en lien avec le Premier ministre et le président de la République“, a souligné le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner. “Il ne s’agit pas d’un acte d’autorité (…) mais d’une méthode“.
Reste qu’en agissant fort et vite, Gérard Collomb, 70 ans, a choisi de ne pas se laisser enfermer dans l’image d’un ministre dont la main tremblerait au moment de trancher. Un tournant?
“Pas attendu”
Ses prédécesseurs Place Beauvau, de Nicolas Sarkozy à Bernard Cazeneuve en passant par Manuel Valls, ont laissé dans les couloirs du ministère, comme aux yeux de l’opinion publique, une image d’autorité, parfois surjouée, dans leur rôle de ministre de l’Intérieur. Une fonction d’autant plus exposée que la France vit désormais sous la menace constante des attentats.
A contrario, c’est peu dire que les premiers mois de l’ex-maire de Lyon, fidèle parmi les fidèles d’Emmanuel Macron, nommé en mai ministre d’Etat, ont soulevé quelques doutes, en interne comme en externe, sur sa capacité à “faire le job“.
Ses allers-retours hebdomadaires à Lyon – même pendant la crise de l’ouragan Irma – et ses références constantes à sa ville de cœur font soupirer à tous les étages de l’administration.
Ses tics de langage ou ses maladresses font ricaner les réseaux sociaux. Commentaire d’un poids-lourd de chez LR : “Collomb n’occupe pas le poste“. “C’est le bon homme à la bonne place. Après, il est comme il est, il a des accroches, des aspérités“, rétorque un influent député de la majorité.
“Il n’a pas été secrétaire national du PS en charge de la sécurité pendant 20 ans, il n’était pas attendu, mais il a le sens de l’Etat“, arguait récemment un proche.
“Collomb donne l’impression de prendre les choses trop à la légère“, mais “ce n’est pas le cas“, assure un bon connaisseur du ministère.
Alors que sa loi controversée de lutte contre le terrorisme doit être votée définitivement la semaine prochaine par le Sénat, Gérard Collomb doit désormais enchaîner deux périlleux dossiers : un nouveau projet de loi réformant l’asile présenté d’ici la fin de l’année et la “police de sécurité du quotidien” dont le chantier, sur fond de malaise policier persistant, tarde à démarrer.
Avec AFP
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