Selon les informations de l'Essor, les deux ministres concernés ont suivi les deux avis défavorables donnés par la commission du secret de la défense nationale (CSDN) lors de sa réunion du 8 juin 2022. Le premier avis de la CSDN concerne des documents de l'Hôtel de Brienne. Le second avis porte sur des documents du Quai d'Orsay. La CSDN motive notamment son avis défavorable par le manque d'éléments avancés par les deux magistrats instructeurs dans leurs demandes de déclassifications. Ils sont chargés de l'instruction ouverte il y a un an pour "corruption active et passive, trafic d'influence et concussion" dans le cadre de la vente par la France à l'Inde en 2016 de 36 avions de combat Rafale de Dassault, pour 7,6 milliards d'euros.
Comme le veut la loi, les deux ministres concernés se sont tournés il y a un mois avec la CSDN, commission administrative indépendante créée en 1998 et chargée de donner un avis sur la déclassification de documents secret défense à la demande d'une juridiction. La CSDN a rendu ses deux avis cinq semaines après avoir été saisie.
Deux plaintes de l'ONG Sherpa
Cette vente d'avions Rafale à l'Inde avait suscité, fin 2018, une première plainte de Sherpa, une ONG qui s'est donnée pour mission "de combattre les nouvelles formes d'impunité liées à la mondialisation des échanges économiques". Sherpa avait alors dénoncé le choix par Dassault d'un partenaire indien pour mener cette vente, partenaire que l'ONG soupçonnait de "trafic d'influence" auprès de la France. Un an plus tard, le parquet national financier (PNF) décidait de classer le dossier, sans avoir ouvert d'enquête préliminaire. En avril 2021, Sherpa déposait une nouvelle plainte avec constitution de partie de partie civile, une démarche qui entraîne la désignation automatique d'un juge d'instruction. Cette plainte de Sherpa porte sur des soupçons de "corruption" et "trafic d'influence actifs et passifs", et de "concussion". Une information judiciaire, confiée à deux magistrats parisiens avait alors été ouverte. Ils viennent donc de se voir refuser leurs demandes de déclassification.
Plus de 370 avis rendus depuis 1998
Depuis sa création, la Commission du secret de la défense nationale a rendu quelque 370 avis (favorables, partiellement favorables ou défavorables). Des avis généralement suivis par les autorités concernés, surtout ces dix dernières années. Un seul cas d'avis défavorable de la CSDN n'a pas été suivi par l'autorité concernée. Alors président de la République, Nicolas Sarkozy avait déclassifié, contre l'avis de la CSDN, un compte-rendu d'un conseil de défense restreint, portant sur le Rwanda, tenu à l'Elysée sous François Mitterrand.
Pierre-Marie GIRAUD