Trente trois ans après les faits, le tribunal administratif de Lille va examiner les demandes d'indemnisation de dix gendarmes et familles de gendarmes, victimes de l'attaque en avril/mai 1988 de la brigade de Fayoué et de la prise d'otages à Gossanah sur l'île d'Ouvéa (Nouvelle-Calédonie).
Ces dix demandes d'indemnisation avaient été adressées à l'été 2020 au ministère des Armées sous la forme de "recours gracieux en indemnisation" : huit au nom de gendarmes pris en otages le 22 avril 1988 lors de l'attaque (quatre gendarmes tués) de la brigade de Fayoué par un commando indépendantiste puis retenus comme otages dans la grotte de Gossanah jusqu'à leur libération le 5 mai suivant lors d'une opération meurtrière (19 indépendantistes et deux soldats tués); deux demandes au nom de familles de deux des gendarmes tués à Fayoué. L'ensemble des faits avaient été amnistiés par les accords de Matignon (26 juin 1988) approuvés par référendum le 8 novembre 1988.
Ces demandes faisaient suite aux révélations sur ce drame d’un officier de Gendarmerie en retraite, le lieutenant-colonel Calhiol, dans un document déposé au Service historique de la Défense. L'Essor avait publié ces révélations dans son numéro d'avril 2018.
Des victimes de Fayaoué demandent une indemnisation à l’Etat.
L’auteur, à la faveur d’un long travail documentaire inédit, y analysait les causes, circonstances et conséquences de cet épisode dramatique de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. Il défendait la thèse que l’attaque-surprise de la brigade de Fayaoué avait été facilitée par le fait que des directives capitales – dont le suivi et le contrôle avaient été négligés par la hiérarchie – n’étaient jamais parvenues à la petite brigade de cet atoll perdu à 180 km de Nouméa. La brigade qui abritait alors 32 gendarmes départementaux et mobiles en était donc restée à un dispositif défensif inadapté à la nouvelle menace.
A la suite de ces révélations, des rescapés formaient un recours (avec demande d’indemnisation) confié à un cabinet d’avocats lillois spécialisé. Leurs demandes étaient alors rejetées par le ministère des Armées (à l'époque des faits en 1988, la Gendarmerie dépendait du ministère de la Défense), puis par la Commission de recours des militaires. L'occasion aussi pour la direction générale de la Gendarmerie, qui refusait jusque là de s’exprimer sur les causes de cette attaque, de fournir de premières explications;
Les dix requérants ont alors décidé de se se tourner vers les tribunaux administratifs correspondant à leurs domicile respectifs. Me Manuel Gros du cabinet lillois spécialisé vient d'annoncer à L'Essor que le Conseil d'Etat avait décidé le 25 novembre de regrouper les dix requêtes pour qu'elles soient examinées par le tribunal administratif de Lille. Soit encore quelques mois à attendre une décision pour les dix requérants.
Pierre-Marie GIRAUD