Nouveau refus de la médaille de reconnaissance aux victimes du terrorisme à des gendarmes d’Ouvéa

Photo : 2 mai 1988 : préparation de l'assaut sur l'île de la table, proche d'Ouvéa (capture d'écran, document GIGN)

3 septembre 2023 | Société

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Nouveau refus de la médaille de reconnaissance aux victimes du terrorisme à des gendarmes d’Ouvéa

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Le 28 septembre 2020, le ministre de la Justice signifiait à quatorze gendarmes, dont la famille d'un tué, son refus de leur attribuer la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme alors qu’ils avaient été victimes des graves évènements de Fayaoué et de Gossanah en avril 1988 sur l'ile d'Ouvéa (Nouvelle-Calédonie). Ils intentaient alors un recours devant le tribunal administratif de Montpellier. Cette juridiction a rejeté leur demande, près de trois ans plus tard, le 13 juillet 2023, pour les deux mêmes motifs avancés par le ministère de la Justice : l’extinction de l’action publique pour cause d’amnistie, prononcée après les évènements, et l’absence de qualification terroriste dans la procédure judiciaire, interrompue du fait de l’amnistie.

Les requérants ont fait appel en invoquant plusieurs griefs : erreur de droit, erreur d’appréciation, discrimination illégale et détournement de pouvoir. Leur avocat, Me Manuel Gros fait valoir que l’amnistie, qui éteint l’action pénale, n’a pas le pouvoir de mettre fin à l’action civile, et n’aurait, par conséquence, pas davantage le pouvoir de faire obstacle à l’attribution de cette médaille. Autre argument : la circulaire relative à l’octroi de cette décoration stipule que les demandeurs ont été victimes "d’actes terroristes" et non pas "de faits qualifiés pénalement de terrorisme", comme le soutient le tribunal administratif de Montpellier. Enfin, des cas similaires à Ouvéa ont donné lieu à attribution de cette décoration tout récemment, le 7 mars 2023, à un ex-CRS, André Rous, blessé lors d’une manifestation violente à Bastia le 28 août 1975, soit treize ans avant les évènements d'Ouvéa. Ce jour-là, des émeutiers avaient ouvert le feu sur des policiers, faisant un mort et dix-sept blessés. L’intensité criminelle de cette fusillade – politiquement sensible elle aussi – était pourtant loin d’atteindre celle de d'Ouvéa qui dura douze jours et se solda par 25 morts et de nombreux blessés.

Vingt cinq morts lors des évènements d'Ouvéa en 1988

Le 22 avril 1988, un commando d'indépendantistes attaque par surprise la brigade de Gendarmerie de Fayaoué, sur l'ile d'Ouvéa. Ils tuent quatre gendarmes et blessent grièvement un cinquième. Le commando emmène ensuite 27 gendarmes en otages et emporte l'arsenal de la brigade. Des otages sont rapidement relâchés à Mouli dans le sud de l'île. La libération des otages de la grotte de Gossanah, dans le nord de l'île), interviendra le 5 mai, après un assaut sanglant (21 morts, soit 19 indépendantistes et deux militaires du 11e Choc).

Les faits étaient survenus dans un contexte politique hautement sensible entre les deux tours de l'élection présidentielle opposant François Mitterrand à Jacques Chirac. La situation était gravissime avec une coloration terroriste au point que la gendarmerie fut dessaisie au profit des armées. L'opération "Victor" montée pour délivrer les gendarmes otages fut principalement menée par le 11e Choc, le bras armé de la DGSE, et le commando Hubert, les effectifs du GIGN – apte à traiter des cas de terrorisme – étant insuffisant pour faire face aux indépendantistes retranchés et armées notamment d'une mitrailleuse AA-52 et de fusils d'assaut Famas, pris lors de l'attaque de la brigade de Fayaoué. Les otages seront soumis à des menaces d’exécution qui laisseront de graves traumatismes psychiques avec des conséquences sur leur vie professionnelle et privée qui durent toujours.

Les requérants, qui n’admettent donc pas de ne pas être reconnus comme victimes d’un acte terroriste manifeste, ont intenté un recours devant la Cour administrative d’appel de Toulouse.

La Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme est accordée aux Français tués, blessés ou séquestrés lors d’actes terroristes commis en France ou à l’étranger et aux étrangers tués, blessés ou séquestrés lors d’actes terroristes commis en France ou à l’étranger contre les intérêts de la République française. Elle doit être demandée par la victime ou, en cas de décès, par sa famille.

Depuis la première attribution le 1er juin 2018, 922 personnes ont reçu cette décoration qui figure au 5ème rang de la liste protocolaire des décorations derrière la Légion d'honneur, l'ordre de la Libération, la Médaille militaire et l'ordre national du Mérite.

Les nouvelles conditions d’attribution de la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme, depuis la prise en compte des attentats commis à partir du 1 er janvier 1974 au lieu du 1 er janvier 2006,  vont entraîner un nombre de récipiendaires potentiels très important, selon Guillaume Denoix de Saint-Marc, porte-parole et directeur général de l’association française des victimes de terrorisme (AFVT).

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