Mort de Rémi Fraisse: la responsabilité sans faute de l’Etat confirmée en appel. Les gendarmes mis hors de cause

Photo : Manifestations sur le chantier de la retenue d'eau de Sivens (DR)

23 février 2023 | Société

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Mort de Rémi Fraisse: la responsabilité sans faute de l’Etat confirmée en appel. Les gendarmes mis hors de cause

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La cour administrative d'appel de Toulouse a confirmé, mercredi 22 février 2023, la "responsabilité sans faute" de l'Etat dans la mort de Rémi Fraisse, tué en 2014 par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme mobile, lors d’une manifestation contre le projet de barrage de Sivens, à Lisle-sur-Tarn, dans le Tarn. En première instance, les […]

La cour administrative d'appel de Toulouse a confirmé, mercredi 22 février 2023, la "responsabilité sans faute" de l'Etat dans la mort de Rémi Fraisse, tué en 2014 par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme mobile, lors d’une manifestation contre le projet de barrage de Sivens, à Lisle-sur-Tarn, dans le Tarn.

En première instance, les parents, la soeur et les deux grand-mères de Rémi Fraisse avaient demandé au tribunal administratif de Toulouse de reconnaître la responsabilité de l’État dans le décès du jeune homme. Le 25 novembre 2021, la juridiction avait fait droit à leur demande pour ce qui relevait de "la responsabilité sans faute de l'Etat" pour le décès de Rémi Fraisse et les avait indemnisés "de leur préjudice moral à hauteur d'un montant total de 46.400 euros" (14.400 euros pour chacun des parents, 9.600 euros pour la soeur et 4.000 euros pour chacune des grands-mères).

Sivens: l’Etat condamné à indemniser la famille de Rémi Fraisse

Ce premier jugement n’engageait la responsabilité de l’Etat que sur le fondement de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure qui le rend "civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés" car, notait le tribunal, "ces dispositions visent non seulement les dommages causés directement par les auteurs de ces crimes ou délits, mais encore ceux que peuvent entraîner les mesures prises par l’autorité publique pour le rétablissement de l’ordre". Les magistrats administratifs retenaient néanmoins "une imprudence fautive commise par la victime de nature à exonérer partiellement l’État de sa responsabilité à hauteur de 20%".

Par ailleurs, le jugement n’engageait pas la responsabilité sans faute de l’État fondée sur l’utilisation d’une arme comportant des risques exceptionnels, "dans la mesure où Rémi Fraisse ne pouvait être considéré comme un tiers aux opérations de police ayant conduit à son décès tragique" et où "l’utilisation de la grenade offensive de type OF F1 alors autorisée (…) ne pouvait pas être regardée comme fautive".

La mère, la soeur et la grand-mère maternelle de Rémi Fraisse ont fait appel de cette décision en soulignant, notamment, "le comportement pacifique" de Rémi Fraisse, et "l’usage disproportionné de la force par les gendarmes mobiles". Elles estimaient également que le gendarme qui avait lancé la grenade avait "agi à l’aveuglette, sans prendre de précautions, alors que la grenade utilisée était particulièrement dangereuse, et tandis que les forces de l’ordre n’étaient pas confrontées à un danger réel et immédiat".

Une "imprudence fautive" malgré l'absence de violences

La cour d’appel a balayé ces arguments en confirmant le jugement de première instance. Ainsi, "bien qu’il ne résulte pas de l’instruction que Rémi Fraisse aurait manifesté le moindre signe de violence" envers les gendarmes, "il a fait preuve d’imprudence, alors même qu’il ne pouvait ignorer la dangerosité de la situation pour en avoir été le témoin direct lors de son arrivée sur la zone d’affrontement". Néanmoins, le jeune homme ne pouvait imaginer trouver la mort, la grenade offensive ne l’ayant tué "qu’en raison de circonstances tout à fait exceptionnelles". La cour d’appel a donc considéré que le tribunal avait eu raison de juger, "dans les circonstances très particulières de l’espèce, (que) l’imprudence fautive ainsi commise par la victime (était) de nature à exonérer partiellement l’État de sa responsabilité à hauteur de 20%".

Par ailleurs, alors que "les appelantes se prévalent tant en appel qu’en première instance d’un cumul de fautes dans les modalités d’utilisation de la grenade (…) en soutenant que celle-ci a été lancée à l’aveugle, en violation du cadre légal préexistant, en l’absence de légitime défense et tout en ignorant la dangerosité réelle des grenades offensives de ce type", la cour d’appel a eu une toute autre lecture des faits.

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Après avoir souligné la violence de la situation et la progression des manifestants vers la zone que les gendarmes protégeaient, la décision rappelle que les militaires "ont répliqué de manière graduelle et proportionnée aux violences dont ils faisaient l’objet", alors même que "la réglementation applicable n’instaure pas de gradation dans l’utilisation des différentes armes à feu à (leur) disposition"

D'autre part, contrairement à ce que soutenait la famille de Rémi Fraisse, le maréchal des logis-chef auteur du lancer mortel a "respecté l’ensemble des consignes d’usage de la grenade litigieuse" prévues par les textes. Le sous-officier, qui n'a pas été mis en examen, a d’ailleurs bénéficié d’un non-lieu en 2018, confirmé par la cour d'appel de Toulouse en 2020, puis par la cour de cassation en mars 2021.

Non-lieu dans l’affaire Rémi Fraisse : les motivations des juges

Cette décision ne constitue pas un épilogue judiciaire pour cette affaire, puisque le père de Rémi Fraisse a porté, en septembre 2021, l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme. Cette requête est toujours pendante. 

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