Par Gabriel Thierry – DESSINS ZZIIGG
Ce lundi matin, Vivien L., l’un des psychologues du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis, enchaîne les entretiens. A 11 heures, ce 1er septembre 2008, il a rendez-vous avec Florent Bianchi, un détenu d’une trentaine d’années condamné à quinze ans de prison pour viol avec arme. Trente minutes plus tard, les deux hommes sortent du bureau. Le détenu se retourne. « Il m’a dit : “Je peux pas rentrer en cellule, je vais péter les plombs”. Il m’a saisi à la gorge : “Je vous prends en otage ” », raconte Vivien à Libération.
Le quinquagénaire va passer les onze heures suivantes avec un morceau de verre brisé appuyé sur la gorge.
A Satory, près de Versailles, au siège du GIGN, le groupe d’intervention de la Gendarmerie, Philippe B. est à la salle de boxe. Ce membre de l’unité fait partie de la section 2, celle qui est en alerte pour cette semaine. Comme il le raconte dans son livre, GIGN : confessions d’un ops (Ed. Nimrod), le gendarme est en route vers le mess quand les haut-parleurs grésillent.
Le GIGN vient d’être appelé pour la prise d’otage. Un peu avant 13 heures, les militaires arrivent au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe, à une quarantaine de kilomètres de Satory.
Philippe B. a un mauvais pressentiment.
Le preneur d’otage semble très déterminé. « Cette affaire va finir dans le sang, quelque chose se goupille mal », se dit-il. Vivien racontera plus tard que Florent Bianchi n’a pas desserré son étreinte pendant onze heures. Avec sa « griffe », il peut l’égorger « comme un cochon, d’une oreille à l’autre », a-t-il menacé.
Le psychologue doit manger un sandwich ou uriner contre le mur dans les bras du détenu. « Je tiendrai pas dix ans avec du moisi jusqu’aux genoux, des pigeons qui chient partout », s’énerve le preneur d’otage.
Vers 17 heures, une rumeur court à travers la prison. Le GIGN est sur place. Sur la coursive, Florent Bianchi reste imperturbable.
Il annonce froidement au téléphone à sa mère : « Il faut que je tue. »
La prise d’otage s’éternise. Les gendarmes du GIGN révisent leurs prises de combat pour désarmer d’un coup le preneur d’otage. Mais les prisonniers, furieux de ne pas avoir reçu leur repas du soir, viennent d’ouvrir en grand leurs robinets. L’eau dégouline sur les coursives, « c’est mort », il faut changer de plan, constate Philippe B., amer. Florent Bianchi, le détenu, exige dans la demi-heure une voiture pour s’enfuir. Il menace : « Je vais l’égorger, et ensuite, je poserai ma lame et je me rendrai. Comme ça, à la prochaine prise d’otage, vous me prendrez au sérieux. »
Il faut intervenir au plus vite. C’est Philippe B. qui est chargé de faire le tir. Il doit toucher la tête pour entraîner une mort immédiate et sauver ainsi la vie de Vivien.
« S’engager pour la vie »
« Sauver des vies au mépris de la sienne. » Telle était, à sa création en 1974, la devise du groupe qui fête ses 50 ans. Il y a seize ans, elle a été raccourcie en un « S’engager pour la vie. »
Les gendarmes de l’unité le savent : ils vont côtoyer de près la mort au cours de leurs missions. Mais la devise a un double sens : S’engager pour la vie vaut aussi pour celle des forcenés, des preneurs d’otages, ou de toute personne qui pourrait avoir à rendre des comptes à la justice, dont l’unité est une sorte de bras armé.
Il y a dix ans, l’unité avait 1600 opérations au compteur, soit 1500 interpellations, la libération de 625 otages et la maîtrise de 260 forcenés. Le GIGN ne donne plus de chiffres actualisés de
