C’est l’une des images les plus marquantes de Marignane. Pendant l’assaut, l’un des deux pilotes de l’Airbus s’extirpe du cockpit par un hublot. Il saute alors six mètres plus bas, au pied de l’appareil. Il sera sérieusement blessé. Le copilote Jean-Paul Borderie déroule ses souvenirs pour L’Essor.
« Dans le poste de pilotage, nous étions trois au moment de l’irruption du commando, à Alger : le commandant de bord Bernard Dilemme, le mécanicien Alain Bossuat et moi-même. Plus de contacts avec la tour de contrôle. La situation était très dangereuse. »
Pour Jean-Paul Borderie, entré en 1964 à Air France, puis qualifié comme pilote par le concours interne, il s’agissait ce jour-là d’un vol normal. Une impression toutefois démentie dès Alger, par l’irruption du commando dans l’avion.
Après un peu plus de 24 heures de tension intense, et l’assassinat de deux otages à l’aéroport d’Alger, le gouvernement français négocie la libération des femmes et des enfants en échange de l’autorisation de décoller pour Paris. Le commando accepte et libère alors 65 passagers. Mais les négociations s’entremêlent entre Alger et Paris. Ce ne sera finalement que tard dans la nuit, et après la mort d’un troisième otage, un français, que l’avion pourra décoller vers la France. Il devra toutefois faire une escale à l’aéroport de Marseille-Marignane.
Le saut du copilote pendant l’assaut
« Très vite, dès l’atterrissage à Marignane, nous nous rendons compte qu’il va y avoir un assaut », confie Jean-Paul Borderie.
Peu avant le début de l’opération les quatre terroristes se sont regroupés dans le poste de pilotage. « Dès l’irruption des gendarmes à l’avant de l’avion, les terroristes tirent sur eux. La fusillade est très intense. Très vite, nous nous rendons compte que les passagers et les neuf autres membres d’équipage ont été libérés. Il restait deux terroristes vivants, qui continuaient à tirer. »
En temps normal, en cas d’évacuation, il est prévu de sortir par les vitres latérales du cockpit en s’accrochant à une poignée reliée à une corde. « Un des deux terroristes a vu que je m’apprêtais à sortir par un hublot. J’ai décidé de sauter, car il me visait. »
Multiples fractures
Jean-Paul Borderie saute alors « 5,97m plus bas », en tentant d’amortir le choc. De fait, il n’a pu se saisir de la poignée prévue pour le saut d’urgence. Bilan: de multiples fractures, dont celle du col de fémur, et près de cinq mois de rééducation. « Je n’avais qu’une idée en tête: reprendre le manche. »
Le passionné d’aviation s’accroche. « Je passe les visites médicales. Je m’entraîne sur des simulateurs de vol, je passe les tests, et je pilote de nouveau un Airbus en novembre 1995. Symboliquement, Bernard, Alain et moi, nous avons refait un vol ensemble, à notre demande. J’ai quitté la compagnie en 2006, le jour mes 60 ans. »
Depuis, Jean-Paul Borderie s’occupe de sa propriété viticole à Saint-Emilion. Il est aujourd’hui âgé de 78 ans.
Propos recueillis par Pierre-Marie Giraud, (avec LP).
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