Que faire à sa retraite ou à son départ de la Gendarmerie ? Parmi les possibilités de reconversion des anciens de l’Arme ou des gendarmes adjoints volontaires, il y a le secteur de la sécurité privée. Un domaine proche de la maréchaussée, mais assorti d’une nouvelle culture à maîtriser, celle du privé. Trois anciens gendarmes nous ont expliqué les coulisses de leur reconversion.
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De la police judiciaire aux recherches privées
Il traquait la délinquance itinérante dans la Gendarmerie. Désormais reconverti dans le privé, Jacques Morel, 71 ans, aide les acteurs du luxe à améliorer leur sécurité. Une évidence pour ce général (2S). Atteint par la limite d’âge en 2005, Jacques Morel quitte l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), qu’il a lancé, et fonde avec le chef d’escadron Georges Bon la société Réactions.
Les deux anciens gendarmes ont l’intuition que les entreprises peinent de plus en plus à faire entendre leurs doléances à des services de police débordés. remarque Jacques Morel. Nous nous sommes dit qu’il y avait donc un espace à occuper.”
Le cabinet d’enquêtes privées, prospère, compte désormais une poignée de clients habituels dans le luxe, le transport et l’énergie. Jacques Morel conseille également l’Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles. Enfin, chaque année, des cabinets d’avocats et des particuliers franchissent la porte de l’entreprise à Versailles (Yvelines).
“L’essentiel de mon travail réside dans la conduite d’investigation en respectant scrupuleusement le code de procédure pénale et le code pénal, tout en ayant conscience de ne plus posséder la qualité d’officier de police judiciaire, avec désormais des prérogatives quasi nulles mais des devoirs d’autant plus importants”, relève Jacques Morel.
De Satory à Dublin
C’est une entreprise bien connue dans le monde de la sécurité. Gallice, fondée en 2007 par des anciens de la DGSE et du GIGN en 2007, propose toute une palette de prestations, autour de l’ingénierie, la conception, la formation, ou de l’accompagnement sécuritaire. L’un des dirigeants de l’entreprise s’appelle Antony Couzian-Marchand, 47 ans.
Le parcours de cet ancien gendarme n’est pas banal. Après des études à Saint-Cyr, il sert de 1996 à 2006 dans la Gendarmerie essentiellement sous la bannière du GIGN, dont il est alors le numéro deux. Puis, il quitte l’Institution pour rentrer à la Cour des comptes. se souvient-il, amusé.
Antony Couzian-Marchand ne s’arrête pas à la rue Cambon. L’ancien chef d’escadron demande 2013 une mise en disponibilité. “Je voulais mieux comprendre l’entreprise privée, comment on peut faciliter le travail des entreprises françaises, comment l’administration française peut aider les entreprises à ne pas entraver leur business”, explique-t-il. Un jour, le cadre dirigeant reviendra à la Cour des comptes, avec une belle expérience du privé dans ses bagages. Pour l’heure, il s’emploie surtout à faire tourner son entreprise. Avec parfois l’aide de gendarmes. “Leur premier avantage, c’est que ce sont des gens ultra-rigoureux, souligne-t-il. Ils ont l’expérience de la gestion des conflits, sont stables et sereins : ce sont des profils très utiles dans le privé”.
Le temps du privé
Gaël Marchand, 47 ans, est un jeune ancien gendarme. Après avoir été admis à l’école des officiers de Melun, en 1997, il commande l’escadron de gendarmerie mobile de La Réole (Gironde), la compagnie de Moulins (Allier), ou encore le groupement de gendarmerie des Alpes-Maritimes. Mais après ce brillant parcours, débuté en 1989 à Saint-Cyr, poursuivi dans les troupes de marine, cet officier breveté de l’Ecole de guerre et donc promis aux plus hautes fonctions décide de quitter le secteur public pour l’entreprise.
Un choix volontaire. explique-t-il. Concevoir des manœuvres à un niveau stratégique tout en restant proche du terrain: Gaël Marchand apprécie le commandement territorial et n’aspire pas à rejoindre l’état-major ou un poste de direction qui l’éloignerait des opérations. Il quitte donc la Gendarmerie pour devenir le directeur général d’une société de sécurité privée, CESG, dont il fait grimper le chiffre d’affaires de cinq millions d’euros en un an. Puis, en 2017, il est nommé directeur général de Piman Security, spécialisée dans la protection rapprochée.
“Cela faisait un moment que je m’intéressais à la sécurité privée“, souligne ce membre de l’Asis, une association qui mêle cadres publics et privés du secteur. Pour l’ancien officier, un passage logique. note-t-il. Et pour lui, il existe bien des points communs, comme l’approche du client, qui change simplement de nature – d’une collectivité à une société. En comptant, cette fois-ci, ses heures. Mais, cette fois-ci, pour le bénéfice de l’entreprise.
“Dans la Gendarmerie, nous nous enorgueillissons ou nous nous en plaignons quand le politique abuse de notre disponibilité permanente, observe Gaël Marchand. Nous ne comptons pas notre temps, alors que dans le privé, il faut facturer, quantifier toute activité pour qu’elle soit rentable.”
Gabriel Thierry
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