Les magistrats allemands ne disent pas merci aux gendarmes français pour le surcroît de travail. Blague à part, la presse allemande vient, ces dernières semaines, d’alerter sur une conséquence inattendue de la gigantesque moisson de données obtenue grâce au piratage judiciaire des téléphones Encrochat. La récolte a tout simplement été trop belle et les juges allemands sont débordés de travail.
Pour rappel, en 2017, des gendarmes découvrent les téléphones de la marque Encrochat, des véritables coffres-forts numériques vendus environ 1.000 euros pièce. Les militaires français, saisis dans le cadre d’une procédure judiciaire lilloise, réussiront finalement à les faire parler.
L’infiltration des smartphones Encrochat décapite la criminalité européenne
Plus précisément, les gendarmes du département informatique-électronique de l’IRCGN ont travaillé sur la recherche de vulnérabilités informatiques, tandis que l’unité cyber EC3 d’Europol a apporté son aide pour le cassage des mots de passe de données retrouvées sur un serveur. Enfin, le Service technique national de captation judiciaire de la direction générale de la sécurité intérieure a également apporté son concours dans la manœuvre.
Un bilan judiciaire impressionnant
Une opération fructueuse qui a profité aux polices du monde entier. Un bilan provisoire faisait état en septembre de 6.700 arrestations et de 3.800 affaires judiciaires ouvertes. Des chiffres qui vont certainement être revus à la hausse au vu de l’ampleur des opérations allemandes.
Selon l'Office fédéral de la police criminelle, cité par l’hebdomadaire Der Spiegel, plus de 2.700 enquêtes criminelles ont été ouvertes outre-Rhin. Une moisson de données qui pousse “les juridictions pénales dans leurs retranchements, a alerté Sven Rebehn, directeur général fédéral de l'Association allemande des juges. Il s'agit généralement de procédures complexes avec plusieurs accusés dans lesquelles d'énormes quantités de données doivent être évaluées.”
"Die Encrochat-Verfahren bringen viele Staatsanwaltschaften und Strafgerichte an ihre Belastungsgrenze", sagt @Richterbund Bundesgeschäftsführer Sven Rebehn. "Die #Justiz muss schlagkräftig genug aufgestellt werden, um die wachsende Verfahrenswelle bewältigen zu können.“ https://t.co/A0dnRQVd1O
— DRB (@Richterbund) November 15, 2021
Soit des années de procédures devant les juges allemands. Or, comme le souligne un autre média allemand, le temps “fait le jeu des criminels”. Se sachant menacés, ils peuvent d’ores et déjà organiser le blanchiment de l’argent sale amassé ces dernières années.
Plusieurs juridictions allemandes ont déjà musclé leurs services pour faire face à cette importante masse de travail. Toujours selon l’Association allemande des juges, il y aura ainsi cinq chambres criminelles supplémentaires ouvertes en 2022 à Berlin pour faire face au flot de procédures, tandis que 28 postes ont été ouverts à Hambourg.
En creux, l’annonce de ces renforts questionne les moyens mis en place par la justice française pour cette opération hors norme. Jusqu'à présent, elle est restée muette sur ce point précis.
GT.
