Cinq opposants à l'ex-projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ont été jugés le mercredi 3 juillet 2024 par le tribunal correctionnel de Nantes pour les "dégradations" qu'ils sont suspectés d'avoir commises, il y a dix ans, sur la façade d'une brigade locale. Le délibéré sera rendu la semaine prochaine.
Le 21 novembre 2014, une quarantaine de personnes s’étaient "présentés" avec des "masques de carnaval" devant la brigade de Sautron pour une "action symbolique et non violente" , quelques jours après la mort de Rémi Fraisse, un militant écologiste tué par l'explosion d'une grenade de gendarmerie lors d'une manifestation contre le barrage de Sivens (Tarn). Le bâtiment avait été aspergé de peinture rouge et orange, des inscriptions comme "Va te faire cuire un keuf" taguées et les grilles cadenassées.
Six hommes avaient ensuite pris la fuite en voiture, mais avaient été pris en chasse par les gendarmes qui avaient alors été la cible d'une "fusée éclairante" et s'étaient vu adresser "un doigt d'honneur", a-t-il été dit à l'audience. Les six fuyards avaient finalement été arrêtés sur la commune voisine de Vigneux-de-Bretagne. Le conducteur était parvenu à fuir mais ses cinq passagers avaient été identifiés. Ils ont donc été jugés ce mercredi 3 juillet 2024, soit "dix ans après les faits", n'ont eu de cesse de rappeler leurs avocats.
Une protestation "contre l'usage d'armes de guerre" en manifestation
"Cette histoire commence à la mort de Rémi Fraisse par un membre de la gendarmerie", a commencé par déclarer l'un des prévenus, Alexandre, à la barre du tribunal. "Nous manifestions contre l'usage d’armes de guerre contre des manifestants. Peu de temps après, la justice nous a donné raison en interdisant l'usage de grenades offensives contre les manifestants", a rappelé ce professeur d'histoire-géographie nantais.
Les cinq prévenus, tous liés à la "zone à défendre" (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, étaient aussi poursuivis pour avoir refusé de "se prêter aux prises d'empreintes digitales" et au "prélèvement biologique". Une "position ferme, définitive et inchangée contre le fichage ADN", maintient à la barre Alexandre.
"Si j'avais su les conditions réelles – et notamment le fait que des familles habitaient ici – je n'aurais pas participé", a admis Ludivine, bénéficiaire de l’Allocation adulte handicapé (AAH). "J'aurais mieux fait de rester chez moi ce jour-là."
Les trois autres prévenus – Aude, Guillaume et Mathieu – n'étaient pas présents au tribunal mais représentés par leurs avocats. Tous assurent avoir voulu participer à une "action symbolique" et nient leurs implications dans les dégradations. "On voulait faire les clowns devant la gendarmerie", avait résumé Mathieu en garde à vue.
Un "geste de liberté d'expression"
Mais "les dégradations sont extrêmement importantes", a souligné l'avocate de la commune de Sautron, qui avait dû procéder "à trois nettoyages" de la façade de ce bâtiment communal. Elle a donc demandé au tribunal de condamner les prévenus à verser "25.000 euros" à la collectivité pour couvrir les frais qu'elle avait engagés à l'époque.
Le procureur de la République, a souligné que cette action "n'était pas du tout pacifique". "On s'en est pris au véhicule du gendarme avec un marteau pour libérer les camarades", a-t-il rappelé. "C'est rarissime en France d'avoir de telles actions délibérées sur un bâtiment public." Il a donc requis de quatre à six mois de prison avec sursis simple.
"Je ne m'habitue pas à cette répression des manifestations", s'est désolée Me Lise-Marie Michaud, avocate de deux des cinq prévenus, face à ces peines "démesurées". Me Stéphane Vallée, l'avocat des trois autres, a proposé une "peine symbolique". "C'était une action liée à ce qu'il se passait d'un point de vue politique, c'est un geste de liberté d'expression", a-t-il insisté. Le tribunal correctionnel de Nantes, qui a finalement mis sa décision en délibéré, rendra son jugement la semaine prochaine.
MJ, PressPepper