Vidéosurveillance : les gendarmes ne plébiscitent pas leurs images dans leurs enquêtes

Photo : Caméra de vidéosurveillance (Photo d'illustration S.D L'Essor).

30 janvier 2022 | Opérationnel

Temps de lecture : 2 minutes

Vidéosurveillance : les gendarmes ne plébiscitent pas leurs images dans leurs enquêtes

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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gendarmes ne se jettent pas sur la vidéosurveillance pour résoudre leurs enquêtes, tandis que "les indices et preuves" qu’elle permet de recueillir n’influencent pas "le niveau d’élucidation judiciaire sur un territoire".  Ce sont deux enseignements étonnants d’une étude commandée par le Centre de recherches de l’Ecole des […]

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gendarmes ne se jettent pas sur la vidéosurveillance pour résoudre leurs enquêtes, tandis que "les indices et preuves" qu’elle permet de recueillir n’influencent pas "le niveau d’élucidation judiciaire sur un territoire".

 Ce sont deux enseignements étonnants d’une étude commandée par le Centre de recherches de l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale au chercheur Guillaume Gormand, du Centre d’études et de recherche sur la diplomatie, l’administration publique et le politique (Cerdap), et menée en collaboration avec le groupement de l’Isère. 

Seule une enquête sur dix utilisent les images des caméras

La vidéosurveillance est souvent mise à contribution pour résoudre des enquêtes criminelles complexes et le grand public en entend fréquemment parler dans ce cadre. Cet état de fait peut donner une impression trompeuse de l’utilisation de cette technique pour l’ensemble du spectre des infractions. Au final, pour les délits examinés lors de l’étude, les enquêteurs n’utilisent en effet  les enregistrements des caméras publiques que dans "environ une enquête sur dix", écrivent les chercheurs. Le taux d’élucidation semble leur donner raison puisque la vidéosurveillance n’a aidé à résoudre des enquêtes judiciaires que dans 1,13 % des cas,  en fournissant soit des indices (0,46 %) soit des preuves (0,67 %).

Pour leurs travaux les chercheurs ont examiné quatre ans (2017-2020) d’enquêtes judiciaires de quatre territoires municipaux de la métropole grenobloise portant sur quatre agrégats d’infractions : violences, vols liés aux véhicules, cambriolages et infractions à la législation sur les stupéfiants. Au total, 1.939 enquêtes ont ainsi été passées au crible tandis que les chercheurs ont procédé à des entretiens avec les propriétaires de réseaux de vidéoprotection de voie publique et des gendarmes (enquêteurs OPJ, APJ, référents-sûreté).

Un processus long et fastidieux pour consulter les images

Les conclusions sont sans appel : "malgré un plébiscite dans les discours, les enquêteurs ne semblent pas véritablement consacrer les enregistrements de vidéoprotection comme une ressource incontournable dans leur travail d’investigation au quotidien". La raison "des niveaux décevants du "réflexe vidéo"" , réside dans le fait que "le recours à la vidéoprotection s’avère considérablement moins simple, naturel et fluide que la culture populaire le laisse croire"

En effet, pour consulter les enregistrements un enquêteur doit d’abord "identifier et contacter les propriétaires de réseaux de caméras pouvant avoir capté des données intéressantes", puis "délimiter une plage horaire et une zone de recherche précise pour éviter d’avoir à visionner des centaines d’heures d’images, mais pas trop réduites pour maximiser les chances de découverte d’indices". Il peut alors "procéder à une réquisition d’images avant leur écrasement automatique" et "réaliser un visionnage souvent laborieux (si ce travail n’ pas été fait en amont par l’exploitant)". Cerise sur cet indigeste gâteau, cette dernière étape n’est possible que s’ils "disposent des logiciels adaptés", ce qui est difficile face à l’hétérogénéité de technologies utilisées. 

Pas étonnant donc qu’ils évaluent le rapport "entre l’investissement nécessaire en temps et en efforts d’investigation par rapport aux bénéfices espérés ou à l’importance de l’affaire traitée". Et, bien souvent, renoncent en conséquence à utiliser les fameux enregistrements. 

Des marges de progression possibles

L’étude relève pourtant l’existence de possibles marges de progression intéressantes dans l’exploitation des systèmes de vidéosurveillance, en particulier "lorsque le partenariat entre les enquêteurs et le propriétaire du réseau est fluide, durable et soutenu" et que la couverture du territoire est "moderne (meilleure qualité et pérennité des caméras) et dense".

Les chercheurs notent enfin que les cambriolage ou les vols liés aux véhicules, "très rarement résolus, peuvent bénéficier d’un niveau intéressant de plus-value vidéo".

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