Sur la toile, les gendarmes veillent. On le savait déjà : les réseaux sociaux sont devenus un outil d’enquête à part entière. La mise au pas de trois motards costarmoricains à la fin du mois de juin montre une nouvelle fois qu’entre l’infraction et l’interpellation, il n’y a parfois que quelques clics. Dans un post publié ce lundi 24 juillet, repéré par Le Télégramme, le groupement de gendarmerie de ce département annonce avoir confondu des motards qui « se filmaient au guidon de leurs puissants engins et publiaient sur les réseaux leurs délits de grande vitesse ».
Les exploits des motocyclistes – en tout un groupe d’une dizaine de personnes – étaient mis en ligne sur Youtube et sur Facebook. Au sein du centre de lutte contres les criminalités numériques, la Gendarmerie dispose d’une cellule d’enquêteurs qui surveillent ces réseaux sociaux. Mais ce ne sont pas ces personnels spécialisés qui sont à l’origine du coup d’arrêt porté aux dangereux motards costamoricains. Depuis environ un an, le capitaine Olivier Le Bec, le commandant de l’escadron départemental de sécurité routière des Côtes d’Armor, prend en effet l’habitude de jeter un coup d’œil sur les vidéos postées dans son département.
explique-t-il à L’Essor.
Le gendarme consulte également les sites d’annonces de particuliers, pour se faire une idée des cylindrées utilisées dans le département. Le but de cette veille : fixer des objectifs à l’escadron et orienter les patrouilles, afin de prévenir des accidents ou la mise en danger d’autrui sur les routes du secteur, de Saint-Brieuc à Lannion en passant par Loudéac.
Une enquête d’un mois et demi
Au début du mois de mai, l’attention du capitaine est attirée par un nouveau groupe de motards. Ils se filment à 200 km/h, bien au-delà de la limitation à 90 km/h des routes départementales, font des roues arrières… Et surtout, dans les commentaires de leurs vidéos ou de leurs messages, ils invitent des camarades à les rejoindre. Un prosélytisme pas du tout du goût de l’escadron de sécurité routière. C’est le départ d’un travail d’enquête mené avec les gendarmes N-Tech, spécialisés dans les nouvelles technologies, et la cellule locale de renseignement.
Les gendarmes des Côtes d’Armor n’ont pas besoin d’outils sophistiqués pour confondre les motards. Dans une affaire similaire, il y a six ans dans le Pas-de-Calais, les gendarmes avaient interpellé un motard, condamné ensuite pour mise en danger d’autrui à six mois de prison avec en sursis en première instance – un appel avait été interjeté -, grâce à son adresse IP, enregistrée par Youtube et fournie sur réquisition aux forces de l’ordre.
Dans les Côtes d’Armor, ce sont les vidéos et les comptes qui fournissent directement les indices. Les motards prennent bien la peine de flouter leurs plaques d’immatriculation et de dissimuler leurs visages sous un casque. Mais leur camouflage comporte de nombreuses failles. Dans les premiers films, leurs visages apparaissent, tandis que sur certains plans vidéo des plaques sont lisibles. Enfin, certains membres s’enregistrent sous leur véritable identité sur le groupe Facebook de la « team ». Du pain béni pour les enquêteurs, également alimentés par toute une série de petits détails: porte-clés caractéristique, couleur des motos ou encore leur marque.
Des interpellations sur le terrain
résume le capitaine Olivier Le Bec. Les gendarmes passent ensuite à l’action, à la fin du mois de juin, avec comme objectif d’interpeller les dangereux motards lors d’un week-end ensoleillé et de relever des infractions. Avec tous les renseignements accumulés, ils mettent facilement la main sur la fine équipe, des hommes de 25 à 30 ans habitant dans la région de Guingamp. En matière de prévention, c’est un succès. Quatre motos appartenant aux trois membres les plus actifs de la « team » ont été saisies par la justice. Grâce à cette veille sur Youtube, les routes costarmoricaines sont aujourd’hui plus sûres. Le coup d’arrêt a également montré qu’il n’y a pas d’impunité sur les réseaux sociaux, scrutés de près par les forces de l’ordre locales.
Par contre, la question des suites pénales est plus délicate. Le parquet de Saint-Brieuc analyse actuellement les suites judiciaires à donner à ce dossier, qui devraient prendre la forme d’une convocation devant le tribunal correctionnel ou une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC plaider coupable).
Car en l’absence de relevé officiel de vitesse, une preuve formelle, impossible de poursuivre les contrevenants pour des excès de vitesse, et ce même s’ils les ont filmés et diffusés sur Youtube. Reste à la justice l’arme du délit de mise en danger de la vie d’autrui, l’article 223-1 du code pénal, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le « fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité ». Les poursuites pénales contre les motards des Côtes d’Armor devraient être basées sur cette infraction. Mais reste à transformer ces arrestations en condamnations. On peine à croire que les motards acceptent facilement la confiscation de leurs bécanes, des bijoux d’une valeur de plusieurs milliers d’euros…
Gabriel THIERRY
L’article Comment les réseaux sociaux aident à la gendarmerie à prévenir des accidents de la route est apparu en premier sur L'Essor.