Les gendarmes et le GIGN libèrent le cofondateur d’une entreprise de cryptomonnaies et sa compagne, enlevés contre rançon

Photo : Des gendarmes du GIGN lors d'un exercice d'assaut d'un bâtiment, en novembre 2024. (Photo: Domenjod/WikimediaCommons)

24 janvier 2025 | Opérationnel

Temps de lecture : 5 minutes

Les gendarmes et le GIGN libèrent le cofondateur d’une entreprise de cryptomonnaies et sa compagne, enlevés contre rançon

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Après une phase de négociation et les investigations de la SR de Bourges et de l'Unité nationale Cyber, les gendarmes du GIGN sont entrés en action pour libérer les otages et interpeller une dizaine de personnes.

Enlevés, séquestrés puis libérés : l’enquête se poursuivait vendredi après la libération mercredi par le GIGN et la Gendarmerie, de David Balland, cofondateur et ex-employé de la société Ledger (spécialisée dans la sécurisation des cryptoactifs), et de sa compagne. Ils avaient été enlevés la veille, au « petit matin » à leur domicile de Méreau (Cher), un village de 2.600 habitants au sud de Vierzon. Les ravisseurs réclamaient « le paiement d’une importante rançon en cryptomonnaie » a précisé le parquet de Paris. Ces faits leur font « encourir la réclusion criminelle à perpétuité ».

Sept personnes seront présentées vendredi en fin d’après-midi à des juges d’instruction en vue de leur éventuelle mise en examen pour l’enlèvement et la séquestration de David Balland et de sa compagne, a annoncé le parquet de Paris.  Le parquet a requis leur placement en détention provisoire. Trois autres personnes, interpellées jeudi à proximité immédiate du lieu de libération de la compagne de David Balland, ont été relâchées sans poursuite. En effet, aucun lien n’a été établi avec la procédure, selon le Parquet.

Plus de 230 gendarmes, dont 90 du GIGN, ont été engagés lors de cette opération menée de bout en bout par la Gendarmerie.

« Actes de torture et de barbarie »

Outre la libération des deux otages, dix personnes ont été interpellées par les gendarmes. Elles sont en garde à vue depuis jeudi soir, soupçonnés d’être impliqués dans cet enlèvement et cette séquestration, avec actes de torture.Selon la procureure de Paris Laure Beccuau, dont la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) dirige les investigations, une information judiciaire sera ouverte ce vendredi, notamment pour « enlèvement et séquestration en bande organisée », accompagnés d’« actes de torture ou de barbarie » ainsi qu’« extorsion avec arme ».

Ces dix suspects, neuf hommes et une femme âgés de 20 à 40 ans, ont été notamment interpellés à Châteauroux (Indre) pour trois d’entre d’entre eux et à Étampes (Essonne) pour six autres. La plupart étaient connus de la justice pour des faits de droit commun, mais pas pour liens avec la criminalité organisée, selon Mme Beccuau. Lors d’une conférence de presse jeudi à Paris, la magistrate a été interrogée sur l’éventualité d’un commanditaire encore non identifié, voire à l’étranger. Elle a simplement répondu que les investigations se poursuivaient pour « identifier tous les acteurs ».

Laure Beccuau a félicité les gendarmes pour leur « remarquable mobilisation« .  Vendredi matin, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a qualifié, sur Europe 1, d' »exceptionnel » le travail des gendarmes qui ont « mis la main en 48 heures sur ces malfaiteurs ».

Enquêteurs de terrain, GIGN et unité nationale cyber à la manœuvre

Dans le cadre des investigations, d’abord dirigées par le parquet de Bourges, puis reprises par la Junalco et le parquet de Paris, la Gendarmerie nationale a été saisie dans son ensemble. D’abord, la section de recherches (SR) de Bourges, commandée par le lieutenant-colonel Marc Peter. Il a bénéficié de l’appui de quelque 80 gendarmes départementaux de la région Centre-Val-de-Loire.

Selon les informations de L’Essor, le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), commandé par le général de division Ghislain Réty, a déployé depuis Satory des équipes de la force intervention (FI) et de la force observation recherche (FOR). La cellule nationale de négociation (CNN) de l’unité d’élite, spécialisée dans les dossiers très sensibles, a conduit discrètement les négociations.

Enfin, quinze cyber enquêteurs, dont certains ont été projetés sur place, appartenant à l’Unité nationale Cyber (UNCyber), commandée par le colonel Hervé Pétry, ont recueilli des preuves numériques, localisé les ravisseurs et saisi les actifs de cryptomonnaie.

Une opération « extrêmement complexe »

Au total, plus de 230 gendarmes ont ainsi été mobilisés. « Un enlèvement, c’est extrêmement complexe car c’est une prise d’otages non localisée » d’autant que l’enlèvement était « en deux lieux », a souligné le général Ghislain Réty, commandant le GIGN, lors de la conférence de presse. « La négociation est vraiment un outil tactique » pour parvenir à avoir « des preuves de vie ».

Jeudi après-midi, le parquet avait précisé que les enquêteurs restaient mobilisés avec le GIGN, pour « identifier et interpeller l’ensemble des auteurs de ce crime ». Depuis mardi soir, des publications sur les réseaux sociaux faisaient état d’opérations de police et de présence de la Gendarmerie sur les communes de Vierzon et Méreau. David Balland a finalement été libéré mercredi. Puis, sa compagne a ensuite été libérée.

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Main mutilée

Le cofondateur et ex-employé de Ledger et sa compagne avaient donc été enlevés à leur domicile à Méreau (Cher). L’un avait été emmené à Châteauroux, et l’autre séquestrée dans plusieurs lieux. L’alerte avait été donnée par Eric Larchevêque, cofondateur de l’entreprise. Il avait avant cela reçu une vidéo d’un doigt mutilé appartenant à David Balland et une demande de rançon « importante », « en cryptomonnaie » , selon une source proche du dossier. Le Parquet de Paris n’a pas souhaité en préciser le montant. Cette fois, « une partie » de la « rançon a été versée dans le cadre de la négociation », menée par les gendarmes. Mais « la majorité des cryptomonnaies ont été saisies et gelées », a précisé Mme Beccuau.

La mutilation de David Balland a nécessité son hospitalisation immédiate suite à sa libération. La mutilation d’un doigt de la victime rappelle celle du baron Jean-Edouard Empain. En 1978, ce riche homme d’affaires belge avait été retenu pendant une soixantaine de jours, puis libéré sans rançon. Ses ravisseurs avaient envoyé à la famille une phalange d’un doigt sectionnée.

Dix interpellations

À Châteauroux, deux suspects ont été interpellés lors de l’opération de libération de David Balland, mercredi. Un troisième dans la nuit suivante, alors qu’il revenait sur les lieux, a précisé une source proche du dossier. Sa compagne restait introuvable. Toutefois, des pistes récoltées au cours des premières auditions et l’exploitation de téléphones ont permis de mettre les enquêteurs sur la piste d’Étampes (Essonne), sans vraiment savoir ce qu’ils allaient y trouver, souligne la source proche du dossier: un commanditaire? l’autre victime? Ils la retrouvent finalement « ligotée dans le coffre dans un véhicule ».

Six autres suspects sont interpellés dans cette commune au sud de Paris, a expliqué la procureure. Par ailleurs, une dixième personne avait également été arrêtée au début des investigations, à un endroit et une date qui n’ont pas été précisées à ce stade.

« Nous sommes profondément soulagés que David et sa femme aient été libérés et soient désormais en sécurité », a réagi jeudi soir Pascal Gauthier, président-directeur général de Ledger. Même « immense soulagement » exprimé par Eric Larchevêque sur le réseau social X.

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Ledger, une licorne française

Ledger est une licorne (startup qui a dépassé le milliard de dollars) française, fondée en 2014, leader mondial dans la conception de portefeuilles physiques de cryptomonnaies, permettant à chacun de gérer en direct ses propres cryptoactifs. L’entreprise, valorisée à plus d’un milliard d’euros, a vendu plus de sept millions d’appareils dans plus 180 pays et en 10 langues. Elle sécurise 20% des actifs numériques mondiaux, et compte plus de 100 clients institutionnels.

Cette affaire d’enlèvement, en lien avec les cryptomonnaies, n’est pas sans rappeler celle d’un homme de 56 ans, retrouvé début janvier dans le coffre d’une voiture près du Mans, à plusieurs centaines de kilomètres de chez lui dans l’Ain. Selon plusieurs médias, il s’agissait d’un influenceur en cryptomonnaies basé à Dubaï, qui publie régulièrement des vidéos sur ses gains, et une demande de rançon avait été faite. Le parquet de Bourg-en-Bresse avait alors ouvert une enquête de flagrance du chef d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire commis en bande organisée. Mais à ce stade, le parquet de Paris ne fait pas de lien entre les deux affaires.

(LP et PMG pour L’Essor, avec C.Wright et T.Masson de l’AFP)

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