Origine naturelle, négligence ou acte volontaire : pompiers, gendarmes et agents de l’Office national des forêts (ONF) travaillent de concert dans l’Aude, où ils traquent les indices qui leur permettront de déterminer les causes des nombreux incendies.
« La première étape, annonce l’adjudant-chef Emmanuel Guinard, technicien en investigation criminelle (TIC) de la Gendarmerie, c’est déterminer le point de départ. Là, on procède à des prélèvements d’éventuels indices. Si je trouve une bouteille, un mégot, près du départ de feu, on peut les analyser et trouver une empreinte ADN. Mais on ne trouve pas forcément d’indice ».
Dans le cadre de la cellule de recherche des causes et circonstances des incendies (RCCI), l’adjudant-chef Guinard, un technicien de l’ONF et un sapeur-pompier expert inspectent un flanc de colline noirci par le feu. L’endroit surplombe l’autoroute A61 Toulouse-Narbonne, près du village de Luc-sur-Orbieu. Il se situe à une quinzaine de kilomètres du plus gros incendie de l’année, qui a parcouru 16.000 hectares début août 2025.
« Une simple étincelle »
Ici, un hectare de végétation a brûlé. Le technicien de l’ONF et l’enquêteur des pompiers disposent des tiges en métal de couleur. Blanche pour signaler un indice, rouge pour indiquer le sens de propagation du feu et jaune pour visualiser les flancs. Le gendarme prend des photos pour le dossier d’enquête. « On matérialise les deux flancs et on remonte vers le départ du feu. On va dans le sens inverse de la progression du feu », précise l’expert Jean-Paul Baylac, chef du service feux de forêts au Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de l’Aude.
Déterminer si la mise à feu est intentionnelle ou pas, dit le technicien forestier de l’ONF Stéphane Paoli, « c’est l’aboutissement du travail ». Avant cela, chaussé de bottes ignifugées, il examine coquilles d’escargot, cailloux, pignes de pins et végétaux. Il s’attache au moindre détail. « Les graminées sont des alliés précieux », assure Stéphane Paoli, pour tirer des enseignements sur l’intensité et le déplacement des flammes.
Dans un massif des Corbières, jauni par la sécheresse, balayé par un vent chaud et sec et soumis à la canicule, « une simple étincelle » d’un engin agricole qui racle le sol ou encore des projections de calamine d’un pot d’échappement, peuvent déclencher un incendie, avertit le gendarme TIC. Voire « le briquet d’un incendiaire », dénonce-t-il en enfilant des gants bleus en latex.
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Gendarmes, pompiers et agents de l’Office national des forêts (ONF) travaillent ensemble pour déterminer les causes des incendies. (Photo d’archive: F.Garcia/Gendarmerie)
Prélèvements et analyses après les incendies
Une fois la zone de départ du feu délimitée, des prélèvements sont effectués. D’ailleurs, l’origine du feu « est humaine dans 90 % des cas », déplore l’adjudant-chef, après avoir glissé dans une enveloppe une canette de soda partiellement brûlée.
« Chaque zone de feu fait l’objet d’une investigation spécifique. On procède par élimination. On ferme des portes au fur et à mesure de l’enquête, et on écarte les hypothèses les unes après les autres, comme l’origine naturelle s’il n’y a pas de foudre », explique le gendarme.
La Gendarmerie dispose également de chiens dressés à la détection d’hydrocarbures. Ils peuvent aussi être mobilisés pour chercher un produit inflammable accélérant (essence, alcool, white-spirit, acétone…). Des produits utilisés par un éventuel pyromane.
Les prélèvements de terre, des résidus de végétaux, des morceaux de bois, sont alors placés sous scellés. Les gendarmes les envoient ensuite dans des laboratoires d’analyses, comme celui de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie (IRCGN) à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise).
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Durant l’été 2025, face aux conséquences dramatiques ou à l’importance de certains incendies, la cellule de recherche des causes et circonstances des incendies (RCCI) de l’Aude a parfois été renforcée par des enquêteurs d’unités de recherches de la Gendarmerie ainsi que du Commandement pour l’environnement et la santé (Cesan). (Photo: Gendarmerie de l’Aude)
Acte volontaire
Les trois experts refusent d’évoquer le gigantesque incendie qui alimente toutes les conversations dans les Corbières. « Une enquête est en cours. » Dans ce dossier, la thèse de l’acte volontaire est privilégiée par les enquêteurs.
Le maire de Ribaute, village d’où le feu est parti le 5 août 2025, n’a aucun doute sur l’origine criminelle. « D’après les premières constatations des enquêteurs, vu l’emplacement du point de départ, ça ne peut être que volontaire. C’est loin de la route. Une zone qui n’est pas facilement accessible », affirme-t-il.
La particularité du département de l’Aude, fait remarquer l’expert de l’ONF, est de se situer « sur un couloir de vent », entre la pointe sud du Massif central et les Pyrénées, et d’être « parmi les plus secs et chauds de France, avec des pins d’Alep, des pins maritimes, une végétation méditerranéenne inflammable et combustible ». Autrement dit, il réunit toutes les conditions favorables à l’émergence de feux.
(Avec l’AFP)
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