Quels sont les points communs entre le “docteur Mabuse” du cyclisme, un trafic de médicaments ou la vente frauduleuse d’une espèce protégée ? Dans toutes ces affaires, la Gendarmerie est en première ligne, avec, pour le haut du spectre, un bijou discret. L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) a ouvert ses portes à L’Essor pour détailler ses missions.
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L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), qui vient de publier son dernier rapport annuel, ce jeudi 7 décembre, a d’ailleurs souligné l’apport important de l’Institution à la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Selon une note récente de cet observatoire, en 2016, 79% de ces atteintes ont été enregistrées par la Gendarmerie nationale. La plupart des faits constatés sont relatifs à la pollution, au cadre de vie et à l’occupation des sols (33 419 atteintes) et à la protection des espèces et des habitats (12 852 infractions).
“Il y a deux raisons qui expliquent pourquoi la Gendarmerie est en pointe sur ce thème. La plupart des infractions sont relevées dans sa zone de compétence. Et voyant que ce type d’affaires n’était pas forcément pris en charge par les services de police judiciaire, elle s’est saisie de ce créneau.” Christophe Soullez, le chef de l’ONDRP.
71 enquêteurs à l’Oclaesp
La très grande majorité de ces affaires se traduisent par des contraventions. Mais pour les trafics ou les grandes enquêtes, il y a une structure dédiée, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, rattaché à la sous-direction de la police judiciaire de la Gendarmerie.
En 2017, cela représente plus de soixante-dix affaires suivies par l’office, apportées dans leur grande majorité par la Gendarmerie, mais aussi par la Police ou les Douanes. Avenue de Stalingrad, au Fort de Montrouge d’Arcueil (Val-de-Marne), ils sont aujourd’hui 71 (dont 63 gendarmes et quatre policiers) contre seulement quinze enquêteurs à sa création en 2004.
Ces limiers sont assistés de quatre conseillers techniques issus d’autres ministères et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Ils travaillent main dans la main avec des magistrats spécialisés des deux pôles judiciaires de santé publique des tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille.
Environnement, déchets, santé publique : l’office embrasse un large champ d’investigations, avec des infractions à traquer au travers de vingt-sept codes ! Ce mercredi 13 décembre, les enquêteurs s’intéressent particulièrement au trafic de médicaments détournés à des fins psychotropes, récréatives ou dopantes.
Ils organisent en effet un séminaire, à Paris, pour faire le bilan d’une opération européenne, Mismed. détaille à le lieutenant-colonel Christophe Le Gallo, adjoint au chef de l’office.
Un domaine suivi de près en France : notre pays est un exportateur de ces médicaments détournés. Comme par exemple avec le Subutex, un substitut aux opiacés, acquis à bas prix en trompant la Sécurité sociale, puis revendu avec une marge confortable dans les pays de l’Est ou en Scandinavie.
Une enquête, menée en Île-de-France, a estimé le préjudice de la caisse d’assurance-maladie à 1,7 million d’euros, tandis qu’à l’autre bout de la chaîne, dans le pays revendeur, le chiffre d’affaires des trafiquants est évalué à trente millions d’euros. Europol, dans un communiqué, le 21 décembre, détaillera le beau bilan de l’opération Mismed, lancée par l’Oclaesp et les douanes finlandaises: 111 arrestations à travers 205 enquêtes, pour 75 millions de médicaments détournés et de produits dopants saisis d’une valeur de 230 millions d’euros.
Pour la première fois, un renfort du GIGN en 2017
Une autre affaire a nécessité, en mars 2017, le renfort du GIGN, en l’occurrence l’antenne de Nantes, pour cette intervention délicate. Une première depuis la création de la structure. Le profil du suspect, un bodybuilder amateur d’armes à feu, inquiétait les limiers de l’office. Soupçonné de vendre sur internet des anabolisants et des stéroïdes à des sportifs, l’organisation criminelle, très cloisonnée, est mise au jour par des enquêteurs numériques N-Tech de la Gendarmerie.
Aujourd’hui, ces enquêtes, que ce soit du trafic de civelles, des alevins d’anguilles, ou d’un faux médicament miracle (dénommé le GCMAF) représentent près de la moitié des affaires traitées par l’office.
Une petite révolution, avenue Stalingrad à Arcueil, qui a poussé l’office à se réorganiser cette année pour faire face à cette criminalité organisée émergente. Petit à petit, les enquêtes traditionnelles de l’office impliquant de grands groupes professionnels, tels que le scandale de l’amiante, un cancérigène, le médicament Mediator utilisé à tort comme coupe-faim ou le Dieselgate, cette tromperie sur les émissions polluantes des moteurs de Volkswagen, laissent la place à des affaires, somme toute classiques, de trafic en bande organisée.
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Deux types d’affaires aux techniques bien différentes. Dans ces scandales d’envergure, décrit Christophe Le Gallo.
Dans les affaires impliquant des groupes criminels organisés, les enquêteurs reviennent au contraire aux fondamentaux. poursuit l’adjoint au chef de l’office. Les balises de géolocalisation et le logiciel Anacrim font également partie de la panoplie de ces enquêteurs chevronnés.
Une communauté d’enquêteurs
Face à cette tâche titanesque, l’office n’est pas seul : il s’appuie sur toute une communauté d’enquêteurs spécialisés. Ils sont 349, disséminés dans les brigades et les sections de recherches, et dans les brigades territoriales, et formés pendant quatre semaines aux atteintes à l’environnement et à la santé publique. A charge pour l’Oclaesp d’animer cette communauté, de centraliser le renseignement ou encore d’analyser les évolutions de cette criminalité.
Une organisation bien huilée désormais reconnue. remarque Christophe Soullez, le chef de l’ONDRP.
Un domaine d’avenir, au vu de l’intérêt croissant porté à ces questions par les pouvoirs publics et les citoyens et du développement d’une délinquance juteuse.
Aujourd’hui, la criminalité environnementale est, selon l’ONU, la quatrième activité criminelle après le trafic de stupéfiants, la traite d’êtres humains et la contrefaçon.
Gabriel Thierry
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