Le couple Jacob restera-t-il en prison ? La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon doit décider mardi du sort du grand-oncle et de la grand-tante du petit Grégory, écroués vendredi.
Leur arrestation surprise la semaine dernière dans les Vosges a relancé l’affaire, jamais élucidée depuis la découverte du petit garçon le 16 octobre 1984. Mais pour la défense, leur incarcération est “totalement anormale“.
“A l’heure actuelle, je ne sais toujours pas ce sur quoi se base l’accusation“, dénonce Me Stéphane Giuranna, l’avocat de Marcel Jacob, qui demandera la remise en liberté de son client, de même que le conseil de Jacqueline Jacob, Me Gary Lagardette.
Les deux septuagénaires, soupçonnés d’enlèvement et séquestration suivis de mort, avaient été placés en détention vendredi. Ils n’avaient jamais été inquiétés jusqu’alors même si leurs noms apparaissaient au fil des 12.000 pièces du dossier. Avec eux, l’accusation pense avoir identifié les fameux “corbeaux” et selon elle, “il y a un élément qui associe ces actes, ces lettres, les appels téléphoniques, l’acte d’enlèvement et la mort de l’enfant“, plusieurs personnes ayant concouru à la réalisation du crime.
Les soupçons se fondent sur des rapprochements graphologiques ou lexicaux, comme la récurrence de l’expression “le chef” pour désigner Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, dont les auteurs auraient voulu se venger.
“C’est délirant”
Ce terme est notamment utilisé dans la lettre de revendication du meurtre, postée à Lépanges-sur-Vologne le 16 octobre 1984, semble-t-il avant même l’enlèvement de l’enfant d’après le cachet de la Poste. Signe que son auteur aurait joué directement un rôle. L’expression fut aussi employée par Marcel Jacob, ouvrier, lors d’une altercation avec Jean-Marie Villemin, devenu contremaître, deux ans avant le drame.
Me Giuranna ne voit là qu’une banale opposition syndicale, “pas un mobile pour assassiner un petit garçon, c’est délirant“. Le parquet général s’appuie aussi sur l’absence d’alibis “confirmés ou étayés“, ce que conteste encore l’avocat pour qui son client était au travail sur toute la durée des faits.
Trois décennies plus tard, les enquêteurs vont s’employer à vérifier les emplois du temps des différents protagonistes au regard de leurs déclarations antérieures. Et en procédant à de nouvelles auditions. La détention vise ainsi à “empêcher une concertation frauduleuse” et une “pression qui serait de nature à nuire à l’efficacité des investigations“, justifie le procureur général de Dijon, Jean-Jacques Bosc.
Murielle Bolle, la belle-soeur de Bernard Laroche, premier suspect tué en 1985 par Jean-Marie Villemin, pourrait être entendue prochainement. En 1984, âgée de 15 ans, elle avait affirmé devant les gendarmes qu’elle était avec son beau-frère le jour du meurtre et avoir assisté à l’enlèvement de Grégory, avant de se rétracter trois jours plus tard.
“Dissiper les rumeurs”
“Compte tenu du climat actuel, qui ressemble étrangement à celui qui régnait dans ce dossier fin 1984, il me semble important que les doutes et les rumeurs soient rapidement dissipés“, a déclaré son avocat, Me Jean-Paul Teissonnière.
Depuis ce nouveau coup de théâtre, de vieilles plaies semblent en effet se rouvrir dans la famille. Samedi dans une interview à L’Est Républicain, Valérie, fille de Marcel et Jacqueline Jacob qui a depuis longtemps “coupé les ponts avec eux“, n’a pas exclu la culpabilité de ses parents. “Je suis très choquée. Depuis jeudi, je me réveille en pensant que je suis peut-être la fille de criminels (…) Si c’est eux, comment peuvent-ils se regarder dans la glace ?“, a-t-elle déclaré au journal.
“Ce n’est pas possible que ces gens-là aient quelque chose à voir” avec le meurtre, a rétorqué lundi Ginette Villemin, 61 ans, dont le défunt mari, Michel Villemin, oncle de Grégory, était très lié à Bernard Laroche, tout comme Marcel Jacob.
“Je les connais, je sais comment ils sont… et en plus, je ne sais même pas s’ils connaissaient Grégory“, a ajouté devant la presse celle qui fut également placée en garde à vue la semaine dernière, sans être mise en cause. Parce que les gendarmes lui ont posé “les mêmes questions” qu’il y a 32 ans, elle ne croit pas que la justice résoudra l’affaire un jour.