C’est peut-être une journée qui fera date pour la Gendarmerie. Vendredi dernier, le Conseil d’Etat a examiné la requête d’un gendarme départemental soutenu par l’association Eunomie. Après une première action infructueuse, ce militaire de la Haute-Vienne est revenu à la charge pour forcer l’Arme à appliquer la directive européenne sur le temps de travail, la directive 20033/88/CE. Un combat juridique qui est très mal perçu par certains gendarmes, comme ces généraux qui avaient souhaité une “bonne retraite” au sous-officier, prié donc d’aller voir ailleurs.
⚖ L'Assemblée du contentieux se réunit ce vendredi 10 décembre à 14h
👉 Les deux questions examinées porteront sur l'application aux militaires, notamment aux gendarmes, d’une directive européenne sur le temps de travail
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— Conseil d'État (@Conseil_Etat) December 8, 2021
« Que fait dans l’Arme ce gendarme qui s’attaque au temps de travail? »
Plus précisément, le gendarme a demandé au Conseil d'Etat de faire annuler “pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l’Intérieur a rejeté sa demande tendant à ce qu’il prenne les mesures nécessaires pour l’application à la Gendarmerie des dispositions de l’article 6 de la directive concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail”.
Deux motifs d'examen
Deux points ont justifié l’examen de l’affaire par l’assemblée du contentieux. D'abord, questionne le Conseil d'Etat, “le principe constitutionnel de nécessaire libre disposition de la force armée peut-il être utilement invoqué pour faire obstacle à l’application aux militaires français d’une directive européenne limitant leur disponibilité du fait de règles régissant le temps de travail?"
Ensuite, résume la juridiction, "l’organisation du temps de travail dans la gendarmerie départementale est-elle compatible avec les objectifs de l’article 6 de la directive”, qui fixe à 48 heures la durée maximale hebdomadaire du travail ?.
Selon l’association Eunomie, qui a publié un compte-rendu des débats, l’audience a duré environ une heure. Sans surprise, la rapporteure public s’est opposée à cette requête. Pour elle, le principal point qui fâche, les astreintes, ne doivent pas être considérées comme du temps de travail.
Si, toujours selon l’association Eunomie, la rapporteure a bien jugé légitime la demande d’application de la directive européenne, elle aurait indiqué que le requérant en sous-estimait les conséquences. “Elle rappelle que les astreintes sont absolument indispensables au fonctionnement de la Gendarmerie, poursuit Eunomie. Enfin, elle a rappelé que des compensations existent et qu’elles assurent un bon équilibre.”
Et de conclure, selon l’association, que le mode d’action de la gendarmerie départementale n’est pas comparable aux missions similaires des fonctionnaires et que les objectifs de l’article 6 sont respectés au regard des textes de la Gendarmerie en vigueur.
Cour de justice de l'Union européenne
On ignore quand le Conseil d'Etat rendra sa décision. Mais elle sera très attendue. Car l’audience intervient quelques mois après une décision de la Cour de justice de l’Union européenne sur ce sujet, qui avait donné raison au plaignant, un ancien sous-officier slovène qui demandait le paiement des tours de garde.
Dans son arrêt, les juges avaient toutefois listé les situations dans lesquelles les limites de temps de travail ne pouvaient s’appliquer aux militaires. Il s’agit par exemple de la formation initiale, d’un entraînement opérationnel ou d’une opération militaire proprement dite, ou encore en cas d’événements exceptionnels.
« Un arrêt nuancé, tout en dentelles »
Pour l’association professionnelle GendXXI, suite à cet arrêt, “les Armées vont devoir, avec réticence, mesurer le temps de travail individuel et mettre en place les outils adaptés à cette fin".
"Pour la Gendarmerie nationale, la transposition nécessitera une réforme de fond qui t'amènera à mieux définir son positionnement. poursuit l'association Ce travail devra notamment concerner la gestion des astreintes qui, si elles impliquent des contraintes fortes, doivent être considérées comme du temps de travail.”