Des "geeks" sur les Champs pour le 14 juillet: pour la première fois de leur histoire, les cyberenquêteurs de la Gendarmerie défilent jeudi pour la parade militaire. Une mise à l'honneur de ce service depointe, aux prises avec une délinquance en explosion.
Sur les neuf premiers mois de son existence, le commandement de la Gendarmerie dans le cyber espace (ComCyberGend), qui regroupe 7.500 enquêteurs sur le territoire national, a traité 2.500 procédures judiciaires. Les plaintes ne cessent d'augmenter: pour les seules attaques en ligne,elles ont enregistré une hausse de 26% entre 2019 et 2020, de 38% entre 2020 et 2021. Et les "premiers chiffres de 2022 ne démontrent pas une accalmie", explique à l'AFP le général de division Marc Boget, à la tête du ComCyberGend.
Les cyber enquêteurs doivent faire face à trois grands types de délinquants: ceux "très (en) haut du spectre", capables de mener d'importantes attaques par rançongiciel en ciblant de grosses entreprises; des délinquants "moins chevronnés" -le gros des procédures- mais capables de solliciter des spécialistes au cas par cas pour des attaques d'ampleur; enfin, les escrocs s'attaquant à un "grand nombre de victimes", en réclamant des "petits montants", via des "escroqueries à la fausse romance, ou encore des menaces de revenge porn".
Les services du général Boget doivent aussi faire "monter le niveau d'hygiène numérique des potentielles victimes". Plus de 420.000 personnes ont ainsi été sensibilisées aux risques cyber ces neuf derniers mois, dont des collectivités.
Les gendarmes s’installent au sein du Campus Cyber
Le challenge est d'autant plus relevé que les profils sont rares. Dans ce secteur, la Gendarmerie met l'accent sur la formation initiale et continue, pour essayer d'attirer dans ses rangs ces "geeks" aux profils "rares, chers et compliqués à garder", résume le général. "Il manque 5 à 6.000 ingénieurs cyber en France", ajoute-t-il. En concurrence avec le secteur privé, capable de "rajouter un zéro de plus" sur les salaires, il mise sur "le sens du service public" et "l'intérêt" des missions pour recruter.
Ces gendarmes spécialisés peuvent réaliser des choses qu'ils ne feraient pas dans le privé, assure-t-il. Exemple: ce brevet, déposé par les gendarmes,pour une colle spéciale permettant de réassembler les micro-fils composant la puce d'un téléphone portable, dans le cas où celui-ci a été volontairement cassé par un malfrat.
"Un honneur et une fierté"
L'adjudant Maxime, 43 ans, membre du centre national d'expertise numérique au ComCyber, s'est lui spécialisé dans l'exploitation des systèmes embarqués des véhicules et notamment les ordinateurs de bord, après avoir passé une licence pour les gendarmes souhaitant se former au cyber. Basé à Pontoise depuis 2015, il traite 30 à 40 dossiers par an, majoritairement des affaires liées au trafic de stupéfiants, mais aussi des homicides ou des trafics de voitures volées. Sa mission: aider les enquêteurs avec ses compétences techniques, parexemple, en retrouvant les "contacts ou les journaux d'appels" d'un téléphone appairé au véhicule, par exemple.
Il peut aussi travailler sur la géolocalisation pour retrouver potentiellement où les trafiquants ont "chargé ou déchargé la drogue". Ou, dans le cas d'un véhicule utilisé pour transporter un corps, "identifier l'endroit où il s'est arrêté", voire"établir si le véhicule est déjà venu plusieurs fois dans une zone", ce qui aiderait à établir une préméditation. Descendre les Champs-Elysées sous son uniforme de cyber gendarme sera, assure-t-il, "un honneur et une fierté, pour moi, pour ma famille et pour mon service".
Tiphaine Le Liboux (AFP)