<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La CEDH vient de déclarer irrecevable la requête de deux gendarmes, victimes de discrimination, qui estimaient leur indemnisation insuffisante

Photo : Photo d'illustration.

20 juillet 2022 | Vie des personnels

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La CEDH vient de déclarer irrecevable la requête de deux gendarmes, victimes de discrimination, qui estimaient leur indemnisation insuffisante

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Le site Mediapart a annoncé hier après-midi le rejet, pour cause d'irrecevabilité, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de la requête de deux gendarmes français qui estimaient insuffisante l'indemnisation de 5.000 euros qui leur avait été accordée. Après avoir subi des brimades racistes pendant quatre ans, six gendarmes, d’origine maghrébine et antillaise, […]

Le site Mediapart a annoncé hier après-midi le rejet, pour cause d'irrecevabilité, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de la requête de deux gendarmes français qui estimaient insuffisante l'indemnisation de 5.000 euros qui leur avait été accordée. Après avoir subi des brimades racistes pendant quatre ans, six gendarmes, d’origine maghrébine et antillaise, du même escadron de gendarmerie mobile de Versailles-Satory, avaient alerté leur hiérarchie et le Défenseur des droits. 

Dans la première lettre adressée par Faker A. à sa hiérarchie, en février 2009, le gendarme cite certains propos tenus par le capitaine B. : "Il y a trop de bougnoules et de nègres dans cet escadron""fermez votre gueule, depuis quand un Arabe ça réfléchit ?" ou encore "c’est pas un Arabe qui va commander un Blanc, quand même". Le capitaine surnommait son subordonné "Smaïn" en référence à l’humoriste, dont il disait "c’est un Arabe mais il est marrant""Ça fait plaisir de voir des bougnoules bien employé", aurait-il également lancé à un autre gendarme d’origine maghrébine, en le voyant pousser une brouette.

Sanction du capitaine mis en cause

Le gendarme relate également un incident survenu en mai 2007, lors d’un exercice de tir à l’arme lourde. Les militaires s’aperçoivent qu’ils n’ont pas emporté les protections auditives, pourtant obligatoires. Le capitaine B. leur ordonne alors de mettre des cartouches de 9 mm dans leurs oreilles, en guise de protection. Face à un supérieur qui n’en démord pas, Faker A. s’exécute comme les autres. Mais l’une des cartouches tombe et la détonation des Famas lui cause un grave accident auditif, qui entraîne son hospitalisation.

Pour échapper à ses responsabilités, le capitaine B. oblige son subordonné à rédiger un rapport mensonger. "Malheureusement, pour préserver ma carrière, j’ai cédé, mais je me suis promis que c’était la dernière fois", raconte Faker A. Une procédure disciplinaire et une enquête menée par le Défenseur des droits ont confirmé la réalité des faits dénoncés. Tout en minimisant leur gravité, la gendarmerie a sanctionné le capitaine mis en cause.

L’IGGN a estimé qu’il n’y avait pas d’intention discriminatoire

Visé par une enquête administrative, le capitaine B. "se défend formellement d’avoir employé les termes de bougnoules, nègres ou négros", précise dans la procédure le ministère de la Défense. Il reconnaît seulement "avoir employé ceux de Noirs ou Arabes", et "utiliser parfois l’expression c’est du travail d’Arabe”.

L’enquête interne établit toutefois que "la plupart des propos prêtés au capitaine B. ont bien été tenus, même si la formulation exacte et le contexte peuvent varier entre les victimes et l’auteur". Elle pose ensuite ce qui est resté, tout au long de la procédure, la ligne de la Gendarmerie. "L’analyse des éléments objectifs, tels que la notation ou les sanctions, n’ont en revanche pas permis de démontrer une incidence de l’attitude du capitaine B. sur le déroulement de carrière des intéressés".

Sur le plan disciplinaire, le capitaine B. écope de 40 jours d’arrêt en novembre 2009. La Gendarmerie retient que "depuis l’année 2005, il a tenu à l’égard de militaires placés sous ses ordres des propos déplacés visant notamment leur origine ethnique ou la couleur de leur peau". Dans la foulée, il est muté d’office à un poste moins exposé, au sein de l’état-major de la région de gendarmerie de Bretagne, où il termine sa carrière.

Le rapport du Défenseur des droits

En parallèle de l’enquête administrative, les six gendarmes de l’escadron ont saisi le Défenseur des droits en octobre 2009. Dans son avis, rendu en mars 2012, à l’issue d’une enquête minutieuse, il qualifie la situation de "harcèlement discriminatoire" et estime que celui-ci n’a pas été pleinement sanctionné. Le document cite des exemples frappants. Lors d’un rassemblement pour préparer un déplacement, "le capitaine B. a placé un gendarme noir entre deux autres gendarmes, afin de former un pain au chocolat”. Au cours d’une opération, en Corse, "le capitaine B. a recensé le nombre d’Antillais composant son peloton".

Deux des requérants ont aussi rapporté le "comportement particulièrement dégradant" du capitaine B. "lors de la remise de leurs galons de sous-officiers. À cette occasion, où un pot était organisé, ce capitaine a, en présence de leurs collègues et d’autres gradés, trempé les galons dans un verre de bière et demandé aux deux gendarmes de confession musulmane d’ouvrir la bouche afin de les y déposer. Ces gendarmes refusant catégoriquement, le commandant a frotté les galons sur leurs joues, avant de les poser sur leurs vêtements". Le capitaine B. a reconnu la tenue de ce simulacre de cérémonie, qu’il a comparée à une "forme d’adoubement chevaleresque", justifiée par "la tradition militaire".

Treize ans plus tard, quatre des six gendarmes reconnus victimes de discrimination se sont contentés du dédommagement accordé par le tribunal administratif, 5.000 euros pour les plus chanceux. Mais deux d’entre eux, Faker A. et l’un de ses collègues qui ne souhaite pas apparaître, se sont promis d’aller jusqu’au bout. Ils ont donc saisi la Cour européenne des droits de l’homme en janvier 2022. "L’indemnisation concédée est dérisoire par rapport à la discrimination manifeste et documentée qu’ils ont subie", dénoncent leurs avocats, Vincent Brengarth et Mahaut Vançon, qui réclament "une réparation intégrale". L’administration a toujours refusé en effet, de reconnaître un quelconque "préjudice de carrière" pour ces gendarmes, estimant que la discrimination n’avait pas affecté leur parcours. Jusqu’ici, la justice a suivi.

Source: le site Bladi.info.

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